Tant qu’il reste des îles – Martin Dumont

Ici, on ne parle que de ça. Du pont. Bientôt, il reliera l’île au continent. Quand certains veulent bloquer le chantier, Léni, lui, observe sans rien dire. S’impliquer, il ne sait pas bien faire. Sauf auprès de sa fille. Et de Marcel qui lui a tant appris : réparer les bateaux dans l’odeur de résine, tenir la houle, rêver de grands voiliers. Alors que le béton gagne sur la baie, Léni rencontre Chloé. Elle ouvre d’autres possibles. Mais des îles comme des hommes, l’inaccessibilité fait le charme autant que la faiblesse.

Les chroniques de nos lecteurs

« C’est pas rien, une île. C’est un bout de terre planté au milieu de l’océan. Un caillou peut-être, mais avec la mer autour. Un truc magique, un endroit d’où tu peux pas te barrer comme ça, juste sur un coup de tête. Et même pour la rejoindre d’ailleurs ! Une île, ça se mérite. Faut prouver qu’on est digne de l’atteindre, faut être à la hauteur.« 

Ici l’histoire de l’île se mêle à l’histoire intime de Léni. Mais une île qui va être reliée au continent par un pont.

Léni travaille au chantier naval de Marcel qui lui a appris le métier et transmis sa passion. Avec Karim et Yann, même si les commandes se font plus rares, ils ont en commun l’amitié et l’amour du métier. Ils aiment tous aller se remonter le moral au café du coin chez Christine et y retrouver les copains pêcheurs autour de quelques bières. Jusqu’au jour où Marcel leur demande de fabriquer un voilier pour un client, un rêve et un espoir de résurrection pour ces jeunes ouvriers de la mer.

Sur l’île, nombreux sont ceux qui ont voté pour la construction du pont, pour la fin de l’isolement, des horaires des ferrys et des marées, de l’insécurité. Mais quelques réfractaires comme Stéphane, un pêcheur ami d’enfance de Léni, veulent manifester pour stopper les travaux qui avancent trop vite à leur goût. Car un pont, c’est la fin de l’île, la fin de leur singularité, l’afflux des touristes et la transformation pour le pire bien plus sûrement que pour le meilleur de leur petit coin de paradis.

Léni s’occupe un week-end sur deux de la fille Agathe. C’est un taiseux qui ne sait pas exprimer ses sentiments, même lorsqu’il s’agissait de sauver son couple avec Maëlys. S’impliquer ou pas dans la vie des autres, dans la sienne, il ne sait pas vraiment le faire ni s’il en a envie. Alors lorsque la jolie Chloé vient s’installer sur l’île pour faire un reportage sur le pont, c’est encore dans son silence qu’il se mure, laissant s’installer les questions, les attentes, les déceptions.

Léni le taiseux, mais aussi Léni l’indécis, doit-il reconquérir Maëlys, se battre contre le pont avec ses amis pêcheurs, accepter les sentiments de Chloé et accepter de changer de vie, de s’ouvrir à l’autre. Il se laisse porter par ses doutes, ses hésitations, par une forme de facilité à accepter les choses telles qu’elles viennent.

J’ai aimé ce parallèle entre la vie silencieuse et solitaire de Léni, et la vie des îliens, isolés du reste du monde par volonté ou par fatalité. Chacun se pose la question de ce qu’il convient de faire. À la fois pour les individus mais aussi pour la communauté. Faut-il rester dans sa bulle de silence, de confort, de paix, ou accepter l’autre, que ce soit le touriste, Chloé ou le pont, pour s’ouvrir au monde qui vous entoure, au bonheur qui vous tend les bras ?

L’écriture est aussi précise et délicate que pour le premier roman. Les mots se posent sur les sentiments, disent les hésitations, les bouleversements, les attentes, avec sobriété et justesse. Il n’y a ni trop ni pas assez, les événements se succèdent, les personnages sont vrais, et en même temps la poésie est omniprésente.

C’est une bien belle lecture toute en émotion portée par de beaux embruns vivifiants que nous proposent Les Avrils, une nouvelle collection qui démarre sous les meilleurs auspices. – Dominique Sudre

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Martin DUMONT est l’un des quatre danseurs expérimentés du bal des 68 Premières fois. Après « Le chien de Schrödinger », il nous revient avec un second roman, « Tant qu’il reste des îles », un roman captivant, en lice pour le Prix des libraires. Léni a toujours vécu sur l’île. Il a 30 ans aujourd’hui. Il travaille au chantier naval de Marcel. C’est toute sa vie, avec sa fille Agathe qu’il ne voit qu’un week-end sur deux. Quand l’amour avec Maëlys prenait le large, Léni avec, il semblait plus sage que la petite reste avec sa maman. Mais maintenant elle grandit. Elle lui manque. Alors, quand elle passe le week-end avec lui, il l’emmène en bateau. Mais, comme les châteaux de sable qu’ils construisent ensemble sur la plage, sa vie a lui, vacille. Il y a les difficultés financières du chantier et son avenir qui s’amenuise, il y a les pêcheurs comme son pote, Stéphane, qui souffrent. Il faut sortir de plus en plus en mer pêcher pour réussir à gagner sa vie, conditionnée par le prix du poisson à la criée. Et puis, comme si ça n’était pas suffisant, il y a le monstre, le pont, cette folie. Demain, des hordes de voitures accèderont à leur territoire préservé, leur île, c’est la leur, et pas celle des touristes qui viennent gâcher leur petit coin de paradis. Il y a le ferry. C’est déjà pas mal, non ? Entre deux bières et deux parties de coinche au bar du village, chez Christine, les esprits des hommes s’échauffent, pour le meilleur comme pour le pire. Pour tout vous dire, ce roman, je l’ai lu d’une traite, un dimanche pluvieux, confortablement installée le long de la baie donnant… sur la mer ! Quand je vous dis qu’il n’y a pas de hasard dans la vie, ce livre est arrivé à point nommé ! Il m’a captivée de bout en bout. D’abord, il y a le chantier naval, là où on répare les bateaux à coup de fibre de verre, de résine et de colle. Toutes les pièces du bateau sont remises en état, le safran, la coque, la quille, le mât… bref tout ce qui souffre pendant la navigation. Et des bateaux, il y en a de tous les genres, des chalutiers, des vedettes, des trimarans, des voiliers, des vieux gréements, des zodiacs, comme autant d’invitation à naviguer au rythme des marées, affronter les déferlantes et s’émerveiller des lames d’écumes. La mer, c’est d’abord des codes, du vocabulaire. Sous la plume de Martin DUMONT, j’ai adoré me plonger, le temps d’une lecture, dans cet univers.
Et puis, il y a les hommes de la mer, ceux qui lui donnent toute leur vie, même si en retour elle est parfois cruelle. Elle leur en fait voir de toutes les couleurs. Elle les fait se lever tôt, se coucher tard, elle est exigeante avec les corps. Ils travaillent dur pour deux francs six sous, quand le patron daigne bien les payer, ses ouvriers. Et tout ça, pourquoi ? Pour savourer leur liberté de l’aimer, leur île. Ils y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux.

Leur île, c’est leur lopin de terre, leur terre à eux, ceux qui sont nés là, qui y vivent toute l’année, ceux qui la chérissent. Ce roman, c’est en fait une histoire d’amour entre des hommes et ce qui constitue leur patrimoine, naturel, familial, social, culturel, historique, ce sont des lieux, des modes de vie, des ambiances festives entre ceux qui partagent le même héritage, transmis de génération en génération. Pour autant, ils ne vivent pas seuls. Ils ont besoin des autres, ne serait-ce que d’un point de vue économique. Alors, quand la modernité s’invite à la table des négociations, c’est toute leur vie qui bascule.Ce ne sont pas des touristes ou des cols blancs qui la changeront leur île, quoique… Aujourd’hui, il y a le monstre. Comme Léni qui construit un bateau avec Karim et Yann, d’autres hommes construisent un pont, leur édifice, leur création, leur fierté. L’auteur lui a donné la primeur. Il a organisé le roman en cinq parties, rythmé par les différentes phases de sa construction : les fondations, les piles, le tablier, les équipements et puis… l’inauguration. S’il est mis en avant, c’est qu’il vient chambouler l’équilibre savamment préservé jusque là mais, la construction d’un pont comme celle d’un bateau, c’est bonnet blanc et blanc bonnet parce que les travailleurs manuels sont ainsi. Des mêmes valeurs les unissent : l’achèvement du travail et la prospérité de l’ouvrage. Ce sont des artisans du quotidien qui, chacun dans leur domaine, revendiquent le droit d’exister. C’est là que le bas blesse !
Enfin, dans la vie d’un homme, il est une autre forme de construction, celle de l’intime, la création d’une famille. Dans ce roman, par le filtre de Léni, c’est une histoire de paternité qui est abordée, une relation déchirante au quotidien qui fait se côtoyer les excès du manque avec, le temps d’un week-end sur deux, les excès de l’euphorie. Entre les deux, Léni se bat, pour rien, pour le tout.J’ai été gagnée par le charme de l’univers littéraire de Martin DUMONT. Sa plume est belle, sensible, empreinte d’humanité. La narration à la première personne du singulier est comme une cerise sur le gâteau. La fin est très réussie.  – Annie Pineau

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Un livre qui respire le grand large ! En le lisant le vent marin vous emporte !

Leni, le narrateur, est natif de « l’île » jamais nommée  mais qu’un referendum a décidé de relier au continent par un pont.  Le pont se construit tout au long du livre : les 5 parties portent un titre énonçant les étapes : des fondations à l’inauguration.

Trentenaire, Leni  travaille depuis 8 ans, dans un petit chantier naval, il est l’homme de confiance de Marcel, le patron  en fin de carrière.

 Il vit séparé de la mère de sa fille qui s’est installée sur le continent. Il souffre de ne pas voir Agathe plus souvent, chaque moment passé avec elle est un bonheur pour lui, comme la séquence où il l’emmène à la pêche et qu’il décrit avec simplicité et justesse.

Léni  a de nombreux copains aussi bien au travail qu’au bistrot où les parties de coinche alternent avec les moments de musique avec Christine, la patronne, à l’accordéon.

La construction du pont provoque discussion,  polémiques et même bagarres.

Léni ne fait pas partie des plus opposants, il se rend compte qu’avec le referendum les opposants n’ont aucune chance de gagner, mais il ne veut pas laisser tomber les copains, surtout lorsque ceux-ci se mettent en danger.

Il n’y a pas de suspens dans ce récit, la vie se déroule avec ses hauts et ses bas.

C’est plein d’une poésie simple et de sentiments retenus par ce garçon  pudique qui peine à exprimer ses sentiments.

Un très beau second roman qui, je l’espère ne sera que le deuxième ! – Marie-Hélène Poirson

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Tant qu’il reste des îles. Quel titre. Évocateur de lieux perdus au milieu de la mer, de lieux secrets et attachants.

Impossible pour ceux qui connaissent la beauté et le mystère des îles de ne pas être émus par ce texte. Et pour ceux qui n’ont pas cette chance, alors il faut se laisser happer par cette lecture. 

Il s’appelle Leni et c est le narrateur de cette histoire. L’île dont il est originaire, où il travaille ne sera bientôt plus une île . Pour certains, ce sera le miracle du Pont, pour d’autres c’est la mort annoncée de tout un passé et l’impossibilité d’un avenir.

Où se positionner ? Comment vivre cette transition ? Comment ne pas oublier ? Comment composer avec ce futur ?

Tous les protagonistes de cette histoire sont confrontés à ces questions. Leni. Karim. Marcel, le patron de Leni et Karim. Et tous les autres. Christine qui tient ce bar comme un QG. Stéphane. Joss. Et d’autres encore. 

Pour Leni, au cœur du roman, il y a aussi la reconstruction d’une autre vie depuis que Maëlys l’a quitté, et est partie avec leur petite fille Agathe. Et il y a aussi Chloé qui arrive, qui n’est pas originaire de l’île mais qui s’accroche à ce bout de terre et à ses habitants. Et on le comprend fort bien. 

C’est une jolie histoire, un livre qui se laisse lire porté par l’amour de ces endroits magiques que sont les îles. 

Il se trouve que par le plus grand des hasards j’ai lu ce livre dans une île. Cela a sans doute rendu cette lecture plus touchante encore . 

Et je me suis tant retrouvée dans ces mots . – Sonia Chatain

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Je ne m’attendais pas à ça.

Tout au long de la lecture j’avais cette sensation de beauté, c’est de la poésie en prose.

Une île est-elle encore une île lorsqu’un pont la relie au continent ?

Rester une île ou choisir le pont? Dans les deux cas, c’est vivre et mourir un peu.

Un bel endroit, je crois, se mérite.

J’ai passé un très bon moment sur cette île avec ces personnages de caractère très attachants. – Stéphanie Justin

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Il était une fois une île… Une île qui vivait ses derniers jours en solitaire, sans attache, sans lien avec la terre ferme. Une île qui portait son petit monde, rempli d’amitié, de rêves et d’amour aussi. Une île qui voyait s’ériger un pont, ses piliers de béton et la mort lente de son ferry…

Voilà… J’ai fermé la dernière page de ce roman en me disant qu’il n’était finalement pas si difficile d’être encore plus enthousiaste qu’avant de l’avoir ouvert. Parce que j’étais conquise bien avant tout cela.

Martin Dumont est un conteur. Un vrai.
Quand enfant vous vous laissez bercer par la voix de l’adulte qui vous lit une histoire, plonger dans celles de Martin Dumont procure les mêmes sensations… Il y a ses mots, ses odeurs, ses mélodies, et ses silences aussi. Il y a son univers, son atmosphère et ses rêves d’humanité.

Léni, Karim, Marcel et tous les autres sont des hommes que le trait d’union entre leur île et le continent affole ou intrigue. Ils ont leur courage, leur ténacité, et leurs fragilités. Ils ont les mots qu’ils disent et tous ceux qu’ils taisent… Ils ont ce grand cœur qui fait battre le nôtre.

Ce deuxième roman est une pépite. Un petit bijou de sentiments, d’émotions et de sensations. A l’image du chien de Schrödinger, Martin Dumont nous offre des personnages attachants et émouvants… L’écriture est toute en subtilité, en poésie, en pudeur aussi…

Aux fées des 68, merci… Il est des rencontres qui ne s’expliquent pas, qui se vivent et se chérissent… – Audrey Lire & Vous

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Le pitch, l’auteur nous l’offre à la fin du roman à la faveur d’un reportage sur le sujet qui nous préoccupe.

« C’était l’histoire d’une île, de son charme incroyable. De falaises qui perçaient la surface et d’une plage s’étalant sur plusieurs kilomètres. D’un bar où les gens se retrouvaient autour d’une bière et d’une partie de cartes, d’un tout petit chantier menacé de fermeture qui s’efforçait malgré la crise de construire un voilier. Il y avait le rire des pêcheurs, les odeurs de fibre et de résine, la voix et l’accordéon de Christine. La joie, la fierté des privilégiés, mais aussi l’isolement, la peur et le repli sur soi quand tout à coup un pont s’élevait du continent. Les mots montraient l’inaccessible, sa beauté et ses doutes au moment de s’ouvrir au monde.»

Une île, un pont pour la relier au continent et ainsi assister à ses derniers jours, ou à la création d’un trait d’union ?

Léni, enfant de l’île devenu grand, nous embarque d’emblée sur l’eau, en équilibre sur un dériveur qui navigue à toute vitesse entre piliers bétonnés dressés de  l’océan, flirtant avec le risque de heurter des relais flottants d’un chantier naval dantesque et périlleux. Adulte fraîchement célibataire, papa à mi-temps d’une enfant qu’il adore et pour laquelle il doit gagner confiance, de l’autre et la sienne, Léni restaure les bateaux, répare, ponce, accastille, joue aux cartes avec les copains, les îliens, fredonne sous l’air bienveillant d’une patronne à l’accordéon, tombe amoureux, veille sur sa mère, sur le patron paternel et il regarde se dresser le pont et vacille de grandir en même temps, obligeant une maturité qui contraint au renoncement, à l’éloignement des promesses de l’enfance…Nous sommes avec lui, tout du long, blotti sur son épaule et nous croisons tour à tour les collègues, les amis, les aimée. Nous fronçons nos sourcils devant la construction qui bougera définitivement les lignes, dubitatifs, entre les pour et les contre. Nous serrons le cœur devant l’enfant à quitter toujours trop vite ; nous refoulons la frustration, la déception, la colère de ne pas assurer alors qu’on croit bien faire ; nous frémissons de plaisir à la vue d’une jolie rencontre ; nous nous émouvons devant la solitude d’un homme qui doit tourner la page ; nous nous agaçons face à un entêtement ; nous nous inquiétons de plus en plus en ressentant l’imperceptible tension montante en craignant à tout moment qu’elle n’éclate…

Tel un bon film : le choix des plans, une lumière, le montage, le jeu des acteurs, les mimiques, les regards, des visages et les silences…Martin Dumont avec des phrases courtes, des images significatives, nous campe dans un décor et, sans progressivité,  nous pose au cœur de l’île dont nous ressentons immédiatement le palpitant, au milieu des enjeux que nous saisissons de suite et avec les personnages lesquels prennent vie avec leurs singularités…Son écriture pudique relève d’une simplicité qui n’est pas donnée à tout le monde, la grande simplicité qui relève d’un art.

 L’art de la suggestion glissée dans les blancs d’entre les mots ; des mots porteurs, directs, qui éludent la séduction, ne s’intéressent pas de l’affiche, sont serviteurs du sens, du sens donné à l’histoire et du sens que les êtres interrogent en se tenant ensemble, contre ou avec, face aux épreuves. De la même façon que naviguer appelle l’humilité et la solidité d’une présence engagée et authentique ; que la terre, la roche, la lande au milieu de l’eau incarnent une force brute devant laquelle on s’incline ; que l’océan nous rappelle nous petit devant l’immensité et l’immuable ; l’écriture de Martin Dumont ne triche pas et fait jaillir le beau du vrai de ce qui EST, de l’évidence qui n’a nul besoin d’être détaillée mais qui fait tant de bien quand elle nous est rappelée, et véhiculée par la poésie qui fait mouche. Les mots, dans cette langue économe, escortent l’essence, éclairent ce qui prime, ce qui importe ;  ils ajoutent le détail, la nuance, l’infime geste qui nous fait basculer dans le jaillissement d’une émotion dont on reconnaît les vibrations puisqu’elle touche à notre commun.  Ces mots  disent très bien la vie qui continue malgré un événement inéluctable, un bouleversement dont on ne peut éviter les conséquences pour tous, l’avènement d’un paradigme nouveau qui nous oblige, nous contraint et nous révèle aussi.   « Une île frileuse face à une main offerte. Un pont tendu vers une terre inconnue. » – Karine Le Nagard

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Un gros coup de cœur pour ce roman qui m’a replongée dans de lointaines vacances sur l’île de Ré !

Incipit :

« Je suis encore passé devant le monstre. C’est comme ça qu’on l’appelle chez nous. Il est chaque jour plus gros, il avance en bouffant la mer. Marcel répète qu’il ne faut pas baisser les yeux, qu’il faut regarder en face. Que rien ne peut plus l’arrêter mais qu’on doit rester digne. Sa voix tremble quand il parle du monstre. »

Quel est ce monstre ? Un pont ! Ce roman aborde la construction d’un pont pour relier le continent à une île. Synonyme de progrès, il amène aussi une nostalgie et un repli de la part de certains insulaires. Ce n’est pas rien d’être né et d’avoir vécu toute sa vie sur une île.

Martin Dumont nous embarque dans un chantier naval, celui de Marcel où travaille Léni, Karim et Yann.

Le narrateur est Léni, jeune homme de 30 ans séparé de sa compagne Maëlys avec qui il a eu une fille, Agathe. Elles vivent sur le continent. Il voit sa fille tous les 15 jours et c’est à chaque fois un déchirement de la quitter à la fin du weekend. Il a peur qu’elle l’oubli.

Il rend visite toutes les semaines à sa mère placée en maison de soin depuis 2 ans. « Je ne suis pas capable de plus. » Elle ne parle plus, a peu de réactions, parfois il se demande si elle le reconnaît. Sa mère l’a élevé seul sur l’île.

Avec la crise, le chantier tourne moins bien, il y a moins de bateaux à réparer. Marcel ne les a pas payés depuis 3 mois. Un expert passe évaluer le prix du chantier. « Je savais que les temps étaient difficiles […] Pourtant, j’avais du mal à croire qu’il décide de jeter l’éponge. Ce chantier c’était sa vie. » Marcel est comme un père pour Léni, il lui a tout appris du métier, il l’a emmené sur la mer dès son plus jeune âge. Mais entre eux il y a toujours des non-dits, une certaine pudeur.

Et puis il y a le bar de Christine où les habitués se retrouvent pour boire un coup et jouer une partie de coinche. De temps en temps Christine décroche son accordéon du mur et se met à jouer et chanter Brel, Brassens, Ferré.

Les pêcheurs sont contre la construction de ce pont et au fil des discussions vont décider différentes actions, notamment un blocus. La tension monte. Le « meneur » des pêcheurs s’appelle Stéphane. Léni et Stéphane ont grandi ensemble.

« On rit, on s’embrouille même un peu, mais c’est jamais vraiment sérieux. Faut comprendre, c’est pas très grand chez nous. Quand tu prends une raclée, t’en entends parler pendant quelques jours. »

Et puis il y a l’arrivée de Chloé sur l’île pour un mois. Elle est photographe et vient faire un reportage sur la construction du pont, les derniers jours d’une île. Léni a bien envie de lui montrer les endroits à voir mais c’est comme toujours, il ne trouve pas les mots, doute, n’ose pas, trop timide. Léni est lui aussi une île ! « cette foutue incapacité d’aligner la moindre phrase dans les moments qui comptent. »

Ce roman sent bon les embruns ! « La marée était basse, je l’ai senti avant même d’arriver. Il n’y avait pas le moindre souffle de vent, la houle venait mourir sur les amas de goémon en formant des arcs d’écume. »

Cinq parties composent l’histoire. Chaque partie comporte un titre et une note technique liée à la construction du pont : fondations, piles, tablier, équipements, inauguration.

Je me suis attachée aux personnages. Un roman empli d’humanité, très émouvant, sur l’amour et l’amitié, la peur du changement. J’ai aimé l’ambiance de ce roman, l’écriture de Martin Dumont. D’ailleurs je m’en vais de ce pas lire son premier roman, « Le chien de Schrödinger ».

Il s’agit du deuxième roman des Avrils que je lis et que j’ai aimé, ça promet pour les prochaines sorties !

Merci aux 68 premières fois pour m’avoir fait découvrir cet auteur, qui va certainement devenir un de mes auteurs chouchous. – Joëlle Buch

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Leni est un insulaire, il répare des bateaux et son temps libre est rythmé par les rencontres chez Christine, patronne du bar du coin, pour y retrouver Stéphane, Karim, Yann et toute sa bande d’amis, et les aller et retour en ferry pour voir sa fille Agathe qui vit sur le continent avec sa mère dont il est séparé. Mais un événement trouble cette vie paisible… « Le monstre » est en construction… le pont. Ce fameux pont qui est désormais au cœur de toutes les discussions, de toutes les soirées animées chez Christine.Ce pont, c’est une aubaine pour les habitants de l’île, ils pourront rejoindre le continent quand ils le souhaitent, sans avoir à être tributaire des horaires de ferry, et pour Leni, c’est le moyen de voir sa fille quand il le veut, puisqu’il ne sera plus qu’à quelques minutes d’elle en voiture.Mais ce pont c’est aussi une déchirure pour eux, car ils perdent leur particularité, leur isolement et si le continent leur sera accessible en quelques minutes, eux, le seront tout autant pour les touristes, les promeneurs…Sans compter que la mer, le bateau c’est leur mode de vie et ces piliers au beau milieu de l’eau, c’est un comme un blasphème… Et que deviendra l’entreprise de réparation et de construction de bateau dans laquelle il travaille, dans laquelle il a ses amis et dont le patron, Marcel, est comme un père pour lui…Tant de questions qui les bouleversent tous, et qui bousculent cette précieuse tranquillité et cette fierté d’être insulaire.J’ai aimé ce roman, rempli d’humanité et d’amitié et j’ai ressenti cette nostalgie, voire ce deuil, d’une époque. Les mots sont justes et tout en pudeur, à l’image des relations qu’entretiennent les personnages les uns avec les autres. Cette lecture m’ a profondément touchée, et mes prochaines vacances à l’île de Ré auront une toute autre saveur… – Agathe Bertrand

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Une bande copains nés sur une île qui sont tiraillés entre la sauvegarde de cette île presque inaccessible et la volonté de soutenir la construction du pont qui permettra l’accès aux touristes et donc une croissance économique.
L’histoire est centrée sur Léni, un homme séparé donc l’ex-femme et la fille habite de l’autre côté de l’île. Un homme partagé entre son attachement à l’île et le souhait de voir sa fille plus souvent sans avoir besoin d’emprunter le ferry. La solution: un pont en construction !
Les avis sur la construction sont partagés sur l’île et cette construction est loin de faire l’unanimité. C’est de discorde dans la bande de copains qui amènera jusqu’au drame.
L’univers des bateaux n’est pas un univers qui m’est familier. De ce fait, certains passages assez techniques m’ont moins séduite. J’ai beaucoup apprécié les personnages auxquels on s’attache. Une chose est sure, on comprend la volonté de préserver un espace naturel encore vierge de touristes. A méditer pendant nos prochaines vacances sur une île où le respect des locaux doit être essentiel. – Nina Busson

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Leni a toujours vécu sur son île. Il y a sa bande d’amis, sa maison, son travail bien que l’atelier de réparation de bateaux de Marcel soit en déclin. Il n’y a plus sa fille repartie sur le continent après la séparation d’avec sa compagne, ni sa mère maintenant en maison de retraite.

Son plaisir est de prendre la mer aux commandes du Fireball le voilier de Marcel. Il s’amuse à frôler les limites du chantier. Car un pont est en construction qui fera que l’île n’en sera plus une mais l’extension du continent. Il y a eu un référendum mais les pour et les contre s’affrontent toujours. Le pont c’est être plus vite sur le continent, faciliter l’arrivée des touristes mais c’est aussi perdre le statut d’îlien. Stéphane le pêcheur prend la tête de la rébellion.

Chloé arrive de Paris pour faire un reportage sur le pont. Saura-t-elle apprivoiser Leni le taiseux qui ne sait pas exprimer ses sentiments.

Ce deuxième roman de Martin Dumont confirme son talent après « Le chien de Schrödinger ». Il est plein de poésie, de sentiments souvent tus par des personnages pudiques. On sent une véritable solidarité au sein de ce microcosme d’îliens. – Michèle Letellier

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Dans la sélection des 68 Premières Fois de 2021, Martin Dumont apparaît dans la partie VIP, celle des « et plus si affinités », et c’est peu dire qu’affinités il y a…Son premier roman, déjà, « Le chien de Schödinger », m’avait chaviré le cœur, histoire d’amour et de douleur entre un père et son fils, où l’un plongeait dans le mensonge pour mieux tenir hors de l’eau la tête de l’autre qui coulait à pic. La poésie, déjà, affleurait, l’économie de mots pour ne garder que les plus beaux, ceux qui sauraient saisir au cœur et ne garder que l’essentiel, ce qui ne se dit pas mais se ressent.

Nous y revoilà. Cette fois, c’est plus long à venir, on met un peu plus de temps à accoster sur cette île que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître sans son cordon ombilical de piliers et de béton. Mais, moi qui suis un peu plus vieille, moi dont les mots croisés me rappellent régulièrement qu’ « on y va désormais à pieds secs », je me souviens très bien de ce moment empreint d’une incroyable mélancolie où nous nous étions dit que, si maintenant on se mettait à construire des ponts pour rallier les îles, ma bonne dame, tout foutait vraiment le camp. Pourtant, nous étions loin, nous, arrimés bien à l’Est sur une terre privée de mer par nature, mais, même depuis notre ligne bleue à nous, nous avions bien compris que la leur allait en prendre un coup, se priver, oui, c’est bien le mot, d’une forme de poésie qui nous faisait rêver. C’est pile à ce moment-là que Martin Dumont nous les fait rencontrer, ces gens de là-bas, ces hommes et ces femmes de mer, de bateaux et d’embruns dont le rythme du cœur est celui des marées, dont la vie se replie sur elle-même entre le dernier ferry du soir et le premier du matin. Léni, Stéphane, Christine, Marcel et les autres sont saisis par Martin Dumont sur la crête d’une vie qui s’apprête à basculer, à changer de contours. A cause d’un pont ? Grâce à un pont ? Malgré un pont ?  Face à cette lame de fond qui s’avance, chacun choisira sa réaction entre attaque de plein fouet, surf maîtrisé ou laisser aller au gré des flots.

Belle image que cette île arrachée à son isolement par la force impavide d’un trait d’union forcée posé sur l’eau, contrainte à repenser ses liens, ses engagements, ses projets, à apprivoiser le changement, à se laisser conquérir, pour le meilleur, qui sait, pourquoi toujours le pire ? Belle histoire, aussi, que celle de ces êtres aux reflets changeants, balayés par les vents contraires tantôt aigres, tantôt doux, qui les bousculent ou les caressent, mais qui gardent le cap dans la lumière de leurs ancrages. Belle plume, enfin, que celle de Martin Dumont, qui sait se faire discrète pour laisser toute la place aux vannes de Karim, aux colères de Stéphane, aux rires d’Agathe, à l’accordéon de Christine, aux angoisses de Marcel, aux regards de Chloé, aux silences de Léni, et qui nous offre des fins de chapitres à la beauté aussi pure et sublime qu’un couché de soleil sur la mer. – Magali Bertrand

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Dans ce second roman Martin Dumont restitue avec une extrême justesse l’atmosphère sur une île alors que la construction du pont qui la reliera au continent débute. C’est le moment où les esprits s’échauffent avec les inconditionnels du pour, les contres jusqu’au-boutistes et la masse des indécis. Léni, un îlien trentenaire, employé d’un petit chantier naval, raconte son quotidien en 5 chapitres correspondants à l’état d’avancement de ce pont, «le monstre», qui va changer la vie sur l’île. Ce papa qui souffre de la séparation d’avec sa petite fille, est un taiseux, un solitaire pudique qui a du mal à exprimer ses sentiments et ses questionnements.

Martin Dumont a su avec beaucoup de finesse rendre ses personnages attachants. Il nous parle, avec humanisme, de solidarité, d’amitié. Malgré les difficultés de l’existence et le manque de travail, il fait bon vivre sur cette île où tout le monde se connaît et se retrouve dans un vieux café. L’auteur exprime avec sensibilité la nostalgie de la fin d’un monde.

Et puis, il y a l’océan, la voile, le vieux gréement… Là encore l’auteur restitue parfaitement l’univers d’un voileux qui aime affronter les déferlantes, la nuit par gros temps, seul dans les embruns. On y ressent la passion de l’auteur pour la mer, les bateaux, les pêcheurs et tous les gens simples qui vivent sur les côtes.

L’écriture de ce roman, refermé à regret, est simple mais forte, mesurée, tout en délicatesse. – Françoise Floride

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« C’était ça, pour un marin, la magie d’une île. L’effort de la traversée contre la promesse d’un abri. »

Aujourd’hui, je vais vous parler du Second roman de Martin Dumont que j’ai découvert également grâce aux 68 avec «le chien de  Schrödinger».

On y retrouve toute la sensibilité de l’auteur à travers Léni et son univers : trentenaire, insulaire il fait corps avec l’océan, les embruns, la houle, les goémons, le vent, l’écume et les tempêtes, se passionne pour un voilier en construction, nous emmène au bar où les habitants palabrent autour d’une partie de coinche. 

Et puis, il y a ce monstre qui avance dans la mer, ce pont qui se dresse du continent…

« Ce pont, il a chuchoté, c’est la mort de la poésie. […]
C’est pas rien, une île… C’est un bout de terre planté au milieu de l’océan. Un caillou peut-être, mais avec la mer autour. Un truc magique, un endroit d’où tu ne peux pas te barrer comme ça, juste sur un coup de tête. Et même pour la rejoindre d’ailleurs ! Une île, ça se mérite. Faut prouver qu’on est digne de l’atteindre, faut être à la hauteur. […] Si tu construis un pont, tu détruis tout, non ? Moi, je dis que tu la tues, cette île. »

Grâce à un style sobre, lapidaire et perceptible, l’auteur interroge la construction (celui d’un pont, celui d’un homme, celui d’un père) ; qu’est-ce qui structure l’identité ? 

Il met en exergue ainsi toute la symbolique de l’île afin de questionner notre relation au monde, « ce monde entier qui danse dans la lumière naissante ».

Chaque étape de la construction de ce pont est mise en parallèle avec la transformation de cet homme et le nécessaire dépassement de ses peurs. Petit à petit les jalons sur lesquels étaient posées ses fondations volent en éclat. 

Un joli moment de lecture. – Alexandra Lahcène

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La mer, les bateaux, l’île, le sable fans lequel Agathe marche les pieds nus, tout ce qui compose ce beau roman de Martin Dumont. Sans compter sur les humains et leur amitié sur ce petit morceau de terre, où tout le monde se connaît. Rejoindre le continent en prenant le ferry, et retrouver sa famille et la terre ferme.

Ces hommes et ces femmes que la vie va façonné, leur amitié et les tensions suite aux travaux concernant la construction d’un pont, fini la tranquillité, les touristes vont envahir l’île.  Il y a ceux qui sont pour la construction de ce pont et ceux qui y sont opposés. Juste des personnes qui se débattent avec leur vie, qui font ce qu’elles peuvent pour s’en sortir dignement et être heureuses autant qu’il est possible de l’être.

Comme dans son premier roman, Martin Dumont reste fidèle à la mer et son immensité. C’est l’histoire d’une île et d’un pont ou d’un homme et sa vie, de sa complexité. Les images et les sentiments sont très présents. On s’attache au personnage de Léni et ses amitiés avec Stéphane, Yvan, Karim et surtout Marcel. – Hélène Grenier

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J’avais aimé le premier roman de Martin Dumont, Le chien de Schrödinger. Et je n’ai pas été déçue par celui-ci ! Tant qu’il reste des îles, c’est l’histoire d’un bout de terre au milieu de l’eau, en passe d’être relié au continent par un pont. Avec le récit de ce chantier faramineux, c’est surtout l’histoire des insulaires que l’on découvre. Léni, surtout, qui travaille au chantier naval, retrouve ses amis au bar et s’occupe autant que possible de sa petite Agathe. Et tout autour de lui, on découvre une galerie de personnages, tantôt rudes et tantôt tendres, mais tous attachants. J’aime les récits en lien avec la mer, les bateaux, l’industrie, même si je n’y connais rien et j’ai été servie ! Les histoires personnelles s’entrecroisent et s’unissent au destin de l’île, ce caillou résistant. Une belle lecture. – Marianne Lamour

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« […] les îles existent pour de vrai ; qu’on les rêve de loin, des profondeurs de la grande ville ou qu’on se batte pour les faire apparaître un matin devant l’étrave d’un petit bateau, on finit toujours par trouver son île. » – Antoine, Îles était une fois

« — Quand même, a murmuré Gauthier, tu te rends compte de ce qu’on est en train de vivre ?

Il fixait la plateforme qui s’éloignait dans le sillage du ferry.

—   Quoi ? La construction d’un pont ?

Il a souri tristement en détournant les yeux.

—   Non, les derniers jours d’une île… »

Martin Dumont et moi avions fait connaissance l’an dernier alors que Jean veillait son jeune fils qu’un cancer foudroyant allait emporter, et nous nous étions quittés sur une plage, face à l’océan. J’avais été conquise par Le Chien de Schrödinger (Delcourt, 2018 ; J’ai lu, 2021), poignant récit sur la résilience écrit par une 1re personne dont les mots simples nouaient la gorge et visaient au cœur. J’attendais avec une impatience certaine la publication du 2e roman de l’auteur, qui a été repoussée de presque un an. La maison d’édition Les Avrils, contrainte d’oublier le calendrier en cette année particulière, n’allait naître qu’en janvier 2021. 

Tant qu’il reste des îles.

Je ne sais pas résister à un roman qui me promet l’évasion en ces temps où la ligne d’horizon de nos déplacements est posée à dix chiches kilomètres. Sur son seul titre, j’ai sauté à bord du ferry pour qu’il m’emmène en une poignée de minutes sur cette île, jamais nommée ni même vaguement située, mais que je devine atlantique. Le vent du large, le sel des embruns, le ciel où les nuages culbutent le soleil m’ont invitée à jeter l’ancre à la rive des pages, à caboter d’un chapitre à l’autre, à naviguer sur la crête des mots de Martin Dumont dont l’économie fait la force, à l’image de ces îliens peu expansifs, voire carrément taiseux, vivant au rythme des marées et des allers-retours du ferry qui relie en journée les quelques kilomètres carrés de ce monde minuscule au continent.

C’est donc sur l’eau que nous nous retrouvons, Martin Dumont et moi. Je renoue avec plaisir avec la musique intime de son écriture, avec ce « je » toujours aussi pudique et réticent à prononcer « des mots trop grands pour [lui] », ce « je » qui permet à l’auteur d’écrire à hauteur d’homme tant les sentiments que les sensations. À peine quelques pages et j’ai su que la magie allait opérer.

Tant qu’il reste des îles est l’histoire d’îles – l’histoire de celle posée à quelques encâblures du continent et l’histoire de Léni, « ce mec, c’est une île à lui tout seul », homme hésitant, replié sur lui-même par manque d’audace ou de conviction

« [Stéphane] me reprochait souvent de m’être résigné […] Je protestais pour la forme chaque fois qu’il m’accusait de les laisser tomber et pourtant il avait raison. Je n’y croyais plus. »

ou par timidité peut-être, victime de cette « foutue incapacité d’aligner la moindre phrase dans les moments qui comptent ».

Comme le lecteur fraîchement débarqué dans l’histoire, Chloé, journaliste venue de Paris prendre des photographies pour raconter les derniers jours de l’île, est intriguée par ce bout de terre et par cet homme, par l’essence même de ces deux-là qui, sans aller jusqu’à se refuser, ne se donnent pas d’emblée.

« — Léni, nous deux… c’est quoi exactement pour toi ?

J’ai mis beaucoup de temps à lui répondre. Trop, sans doute. »

Tant qu’il reste des îles est une histoire de liens. De liens matériels, tel ce pont bientôt jeté sur l’eau qui, quoi qu’ils en disent, les fascine tous

« Le soleil s’élevait sur l’horizon, illuminant les coques d’acier. J’apercevais la mer par-dessus le bras de terre qui protégeait le fleuve. J’ai cherché l’île et j’ai fini par deviner sa silhouette sur l’horizon. Belle et grave, tristement solitaire. En face, la côte s’étirait à l’infini. Le monde entier dansait dans la lumière naissante, une étendue immense qui répondait à l’île. Entre les deux une ombre filait au-dessus de la baie inondée de reflets orangés. Une ligne, à peine l’esquisse d’un lien entre les berges. Un trait d’union. »

et de liens moins matériels, mais tout aussi solides. Léni. Lien. Une presque anagramme.

Tant qu’il reste des îles est un beau roman sur les amitiés que des vents contraires ballottent parfois.

« On rit, on s’embrouille même un peu, mais c’est jamais vraiment sérieux. Faut comprendre, c’est pas très grand chez nous. »

Les mots fusent, les engueulades aussi. Léni, Karim, Yanis, Marcel, Stéphane, Gauthier, Gaëtan, Joss, Tom, Christine et les autres sont des îliens farouches dont le mode de vie, à présent menacé, a été depuis toujours au plus près du monde sensible, en un lien quasi primitif entre ciel et mer.

Cette île, c’est avant tout un monde d’hommes et les femmes sont discrètes, beaucoup vivent sur le continent, à l’exception de Justine ou Christine. C’est d’ailleurs dans son bistrot que tous se retrouvent le soir pour vider quelques bières en faisant des tournois de coinche que la patronne accompagne de son accordéon et d’une bande son qui égrène les classiques, Ferré, Brel ou Brassens que l’on se prend à fredonner.

Cette île, c’est un monde dont le déclin inéluctable les inquiète : au premier chef, le déclin d’une île en sursis à cause de la construction du pont qui divise les insulaires (est-ce un bien ? un mal ? un mal pour un bien ?),

« Je suis encore passé devant le monstre. C’est comme ça qu’on l’appelle chez nous. Il est chaque jour plus gros, il avance en bouffant la mer. Marcel répète qu’il ne faut pas baisser les yeux, qu’il faut regarder en face. Que rien ne peut plus l’arrêter mais qu’on doit rester digne. Sa voix tremble quand il parle du monstre. »

mais aussi le déclin du chantier naval de Marcel qui les emploie. Les réparations de bateaux s’y font rares, quant aux constructions… n’en parlons pas. L’activité ne suffit plus à le maintenir à flot et les salaires n’ont pas été payés depuis plusieurs mois. L’expert venu évaluer la valeur du chantier s’est montré si pessimiste que Marcel, salement secoué d’apprendre que l’entreprise d’une vie ne vaut plus rien, est introuvable depuis plusieurs jours.

« […] je suis allé m’asseoir au milieu du hangar. J’ai laissé mon regard courir sur les rouleaux de fibre en inspirant aussi fort que possible. Je voulais m’imprégner de l’odeur de l’atelier. […] J’étais venu toutes ces années avec le sentiment que ça ne changerait jamais, que malgré les coups durs il ne pouvait rien arriver de grave. J’avais suivi Marcel sans me poser de questions. Ce chantier, c’était un pan entier de ma vie. Je n’avais pas imaginé qu’il puisse un jour disparaître. »

Le roman avance en autant de parties – Fondations, Piles, Tablier, Équipements, Inauguration – qui exposent l’avancée du pont et la concomitante perte programmée de l’insularité. Elles racontent aussi bien la construction d’un ouvrage titanesque qui va à tout jamais changer la donne que le lent avènement d’un homme neuf, séparé de Maëlys, papa d’une petite Agathe, fils d’une mère dont la mémoire s’efface et qu’il ne voit, les unes comme l’autre, qu’à la faveur d’aléatoires allers-retours en ferry sur le continent. Peut-être Léni est-il le seul à voir un intérêt immédiat dans la construction de ce trait d’union d’acier et de béton.

Ce roman est un condensé de sensations offertes avec retenue : l’odeur puissante de la marée

« L’odeur me rassurait. La marée, le sable et le sel. Mon univers tout entier. »

la fraîcheur revigorante de la brise de mer et d’amitiés pudiques où les regards pallient les voix quand elles peinent à tout dire.

« Quand les mots ne peuvent plus dire ce que ressent le cœur, il y a les actes et surtout les regards.» – Victor Hugo

C’est un monde insulaire sur le fil, au bord de basculer que donne à ressentir Martin Dumont dont l’écriture spontanée abolit la distance au texte. Ce n’est pas un hasard si les références à la perte d’équilibre parsèment le récit de ces vies funambules qui voient leur refuge menacé.

« Sur l’île, il y avait plusieurs jours qu’on ne sentait plus les vibrations. La perte d’équilibre au plus fort du forage, l’impression que la mer entrait en résonnance. » 

Un monde vacillant, à l’image de Léni qui a tant de mal à aller de l’avant bien qu’il entrevoie en un moment troublant de larguer les amarres pour de bon. 

« Je me sentais bien. Le bateau glissait dans un noir opaque. C’était grisant, presque un peu effrayant. Je me suis efforcé de lâcher prise. […] Le jour ne se décidait pas, l’île n’en finissait plus de s’éloigner. Un instant, j’ai eu envie de poursuivre vers la ligne. De laisser mes potes, ma mère et le chantier. Agathe aussi. Toute ma vie loin derrière. »

L’envie est là, manque l’élan. Viendra-t-il ? Qui pour lui donner l’impulsion ?

Chloé ne le laisse pas indifférent bien sûr, mais de là à… L’hésitation, l’incertitude. Toujours. « Le jour ne se décid[e] pas »et il n’est pas le seul à tergiverser. Comme le pont s’élance au-dessus des eaux, transformant l’île en presqu’île, Léni osera-t-il aller vers une vie nouvelle ? 

« [Chloé] m’a considéré longuement. Le bruit sourd du moteur emplissait le silence.

— Je ne sais pas, a-t-elle fini par murmurer, je crois que certaines îles ont besoin de pont. »

Habile équivocité.

Après d’âpres combats humains et judiciaires, l’île cédera un peu de sa magie et le refuge, son isolement. Et Léni ? Si le pont « est la mort de la poésie », peut-être est-il aussi la promesse d’une vie inédite, au bout du ruban d’asphalte neuf et de deux sonneries de téléphone. 

Tant quil reste des îles est un roman de la perte et de la renaissance, de la nostalgie d’un monde que l’on voudrait garder figé mais qui se mourra, faute de trouver un équilibre certes acrobatique entre essor économique et préservation de l’environnement. 

Prenez le ferry ou empruntez le pont. Qu’importe. Venez de l’autre côté de l’eau, à la rencontre de cette île et de ces personnages follement attachants que dessine, avec une sobriété et une sincérité désarmantes, Martin Dumont quand il écrit au plus près du « je ».

« C’était l’histoire d’une île, de son charme incroyable. […] »

Faites la traversée, arrêtez-vous chez Christine prendre une bière et le temps de regarder les photographies de Chloé, qui racontent si bien les habitants de ce bout de terre entre mer et ciel.

Et laissez le charme agir… jusqu’à la dernière phrase de ce roman pétri d’humanité. – Christine Casempoure

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Rarement un livre nous amène autant à connaître de l’intérieur ce qu’est le sentiment insulaire. Par la voix de Leni, les lecteurs sont plongés dans ce qui faisait l’ADN de cette petite communauté d’insulaires ayant connu calme et autonomie face à l’arrivée de ce qui va définitivement mettre un terme à cette autonomie ; le pont…. et donc le lien avec un continent dont on redoute pour certains et que l’on espère pour d’autres. Une île qui tenait, entre autres, par ses activités de chantier naval et un tourisme saisonnier contenu.

Après un vote majoritaire des insulaires pour la construction d’un pont, des réticences s’affichent malgré tout et montent crescendo à l’heure où les premiers travaux se mettent en place entre les plus proches de Léni, le narrateur ne sait pas s’engager dans un un sens ou l’autre. Il faut dire que Leni a d’autres sujets de préoccupation aussi bien professionnels que surtout privés. Son amitié avec le patron vieillissant du chantier et leur historique commun comme la passion de la voile et de la mer, son cercle d’amis du bar de l’île, son ancienne compagne et leur fille. Entre les déchirures naissantes dans son cercle le plus proche, l’arrivée de Chloé, jeune photographe à laquelle il va s’attacher, Léni se perd, s’engage à contre cœur dans le conflit naissant et prend le risque de tout perdre. Des portraits sensibles, des failles personnelles, une véritable connaissance du sentiment et de l’essence même de la nature insulaire, Martin Dumont nous porte au gré des embruns, des combats, des fragilités….

Un second titre…. de qualité. – Olivier Bihl

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Quel plaisir de retrouver l’écriture de Martin Dumont. J’avais eu un immense coup de cœur pour Le chien de Schrödinger, le roman de l’amour inconditionnel d’un père pour son fils, tout en tendresse et en douleur, bouleversant.

Ce second roman est tout aussi émouvant, empli d’humanité. Il fait la part belle à l’amitié entre Léni, Karim, Marcel et les autres. Des hommes qui chérissent leur île, la mer, les bateaux, qui aiment se retrouver ensemble après le travail au bar du village, chez Christine, au son de l’accordéon et des chansons de Ferré.

Il y a Léni, qui construit, répare des bateaux avec ses amis, dans un petit chantier naval qui peine à trouver des clients. Il y a les pêcheurs qui ne parviennent plus à gagner leur vie. Tous des hommes de la mer dont le métier devient précaire. Pour Léni, ce tourment professionnel se mêle à ses tourments intimes, une séparation difficile, la difficulté à trouver et dire les mots qu’il faut même s’ils se bousculent dans sa tête, une paternité qui se construit sur le manque, une mère qui n’a plus toute sa tête. Heureusement il y a la mer, qui console, qui donne à Léni un sentiment de liberté, lui fait oublier les soucis du quotidien lorsqu’il s’élance la nuit à l’assaut des vagues, sur son Fireball.

Cette vie sur l’île est chamboulée par la construction d’un pont, le monstre qui va les relier au continent en un rien de temps. Un pont qui divise, attise les colères, fait craindre le changement, la fin du ferry, les invasions de touristes sur leurs terres préservées. Sa construction en cinq phases structure le récit, en est le fil conducteur. Au fur et à mesure de l’avancée des travaux, les hommes s’affrontent, d’autres acceptent l’inéluctable et comme un trait d’union entre les deux, il y a Léni, taiseux et sensible, dont on suit les pensées et le questionnement personnel en parallèle.    

L’empathie de l’auteur pour ses personnages est communicative. Il fait de Léni un homme attendrissant, souvent indécis mais toujours prêt à aider les autres, le cœur qui déborde d’amour pour sa petite fille et qui ne s’autorise pas à vivre une histoire d’amour à nouveau. De ses amis, des durs au grand cœur, forts et fragiles, impétueux ou réservés, tous portés par le même sentiment d’appartenance à une terre, par l’amitié et par leurs rêves. Cette construction apportera son lot de changements dans leur vie. Entre repli sur soi-même et ouverture au monde, il faudra choisir.

D’une écriture toute en pudeur et sensibilité, faite de silences et de musicalité, Martin Dumont crée une atmosphère balayée par le vent et les embruns, un univers marin avec ses codes dans lequel les lecteurs peuvent se fondre, au plus près des personnages. D’un pont jeté entre deux rives, naît une belle histoire, touchante et lumineuse, qui célèbre la passion de la mer, des bateaux, l’amitié et l’amour. Superbe ! – Josiane Sydenier

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Avec Martin Dumont, la mer ou l’océan n’est jamais loin (Dans son premier roman, Le chien de Schrödinger, père et fils faisaient de la plongée ensemble) et c’est d’une île, imaginaire jamais nommée, océane sûrement,  et de ses habitants dont il nous parle ici.
Une poignée d’amis qui ont conscience de vivre des jours particuliers,  car la construction d’un pont va mettre fin à la typicité de leur île, son insularité.

« C’est pas rien, une île…C’est un bout de terre planté au milieu de l’océan.  Un caillou peut-être,  mais avec la mer autour. Un truc magique , un endroit d’où tu ne peux pas te barrer comme ça,  juste sur un coup de tête. Et même pour la rejoindre d’ailleurs ! Une île,  ça se mérite. « 
Certains veulent encore se battre même si l’avancement de la construction est la preuve tangible de l’inanité de leur combat. Léni, lui, a ses propres combats à mener. Le petit chantier naval où il travaille, où il a tout appris,  vit lui aussi des jours difficiles.
Sa mère perd la tête dans son EPAHD, où il va la voir une fois par semaine.
Et puis il y a sa fille, sa princesse, qu’il aimerait voir plus souvent mais elle habite le continent avec sa mère dont il est séparé.
C’est le portrait attachant d’un jeune homme qui a du mal à trouver les mots pour exprimer ce qu’il ressent même quand une jeune photographe débarquée sur l’île lui donne envie de ne plus se laisser porter par les événements et de reprendre sa vie en mains.
« Oui, les belles phrases existaient, elles dansaient tout autour. Ces mots trop grands pour moi et que je me contentais de regarder filer dans l’obscurité . »

La plume est douce, sensible et ce roman bourré de charme vous entraînera loin vers cette île aux couleurs de paradis perdu, aux côtés de Léni le taiseux  » une île à lui tout seul « et de ses amis, dans les odeurs de résine du chantier naval et les embruns de l’océan, vous prendrez une grande bouffée d’humanité et vous en redemanderez ! – Catherine Dufau

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« Les derniers jours d’une île », c’est la fin d’une traversée. Une île, ça se mérite, ça s’acquiert et ça vous accueille comme un refuge. Ce livre vous imprègne d’odeurs qui vous collent à la peau : de résine, d’amitiés inconditionnelles, d’amour fou d’un père maladroit, d’iode, d’atelier, des potes de café et de jeu, des femmes qu’on aime mal car par pudeur on s’interdit de leur dire. Ce pont vaut bien un combat:  » c’est la mort de la poésie » .

Belle lecture. – Corinne Tartare

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Dès les premières pages de ce roman, nous sentons sur nos joues les embruns de mer tout en prenant plaisir à marcher pieds nus sur le sable de cette l’île bretonne.
Ce petit morceau de terre coupé du monde n’est seulement accessible que par la mer. Pour y aller, il faut prendre le ferry ou son propre bateau.

Pourtant, malgré la quiétude apparente du lieu, de nombreuses tensions sont présentes sur l’île. La cause de celles-ci? La création d’un pont rattachant l’archipel au reste du continent. Ce projet qui divise est au centre des discussions et préoccupations des insulaires.

Dans cet ouvrage, Martin Dumont nous dépeint avec grâce le portrait de ces hommes et ces femmes vivant sur l’archipel. On y côtoie Leny, un homme travaillant sur un chantier naval en sursis et père de famille dont la fille vie sur le continent, son meilleur ami Stéphane, fervent défenseur du blocage du projet, Christine qui tient avec son mari le café du village et qui fait danser tout le monde au son de son accordéon…. Ce livre offre une belle parenthèse dans notre quotidien et fait part d’un problème récurrent qui se pose lorsqu’il est question de construire un pont reliant les îles au continent… – Hélène Ortial

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Il vaut mieux avoir le pied marin pour apprécier ce livre et il y a fort à parier qu’il ne plaira pas aux terriens, ceux de l’intérieur, les peu sensibles au rythme de vie très particulier des îliens.

 Mais pour qui aime la mer et les îles (celles de Bretagne si possible), avec le puissant sentiment qu’elles donnent de vivre une solidarité et une humanité qui semblent disparues ailleurs, alors oui, « Tant qu’il reste des îles » est une belle lecture, avec des personnages touchants, une intrigue bien construite et la symbolique du pont entre deux rives, qui, en amour comme en amitié, peut apporter le bon comme le mauvais. – Marianne Le Roux Briet

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Martin Dumont nous avait déjà offert un beau premier roman « Le chien de Schrödinger », qui était un très beau portrait d’un homme sensible, déchiré, anéanti, broyé mais toujours debout.
Dans « tant qu’il reste des îles » (un si beau titre), nous allons rencontrer plusieurs hommes. Ils vivent sur une petite île : ils sont pêcheurs, même si c’est de plus en plus difficile, ce métier, ils travaillent dans un chantier naval, il n’y a plus beaucoup de commande. Mais la vie sur cette île va être transformée, améliorée, saccagée dans peu de temps. La décision, après un référendum, a été prise et un pont se construit et l’île va être reliée au continent. Une autre époque va commencer, certains en voient des avantages, d’autres ont peur de ce changement. Chacun va essayer de défendre ses positions.
Un très beau texte pour nous parler de cette transformation, ce passage à une autre époque, de belles pages sur la mer, sur la construction du pont (relire le très beau livre de Maylis de Kérangal « Naissance d’un pont »), sur les rapports qui vont changer sur l’île (de belles pages dans le bar des marins). de beaux portraits d’hommes et de femmes.
Un très beau texte sensible et touchant, rempli de poésie. – Catherine Airaud

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Léni répare des bateaux sur un petit chantier naval et s’occupe de sa petite fille Agathe, quand sa mère accepte de la lui confier. Le soir, il retrouve ses copains pour jouer à la coinche au café de Christine. Le principal sujet de conversation, c’est le pont. Celui qu’on est en train de construire, gigantesque infrastructure de câbles et de métal qui reliera l’île au continent, rendant obsolètes les liaisons par ferry. Un immense progrès affirment les partisans du maire, une source de rentabilité et d’attrait touristique en plus d’être pratique. Mais les joueurs de cartes ne sont pas de cet avis, et envisagent de monter un mouvement de protestation : faire construire le pont, c’est tuer l’identité de leur île. Léni, lui, ne prend guère part aux débats. C’est qu’il a d’autres préoccupations : la méfiance de Maëlis, la mère d’Agathe, et les difficultés économiques du chantier naval. Il semble un peu désabusé, ce Léni si taiseux, et peu enclin à s’investir dans un combat qu’il pense perdu d’avance, ou dans une nouvelle relation amoureuse. Un peu attentiste, aussi. Incapable de prendre de vraies décisions, de se battre, qu’il s’agisse de l’identité insulaire ou de sa fille, il pourrait être agaçant s’il n’était pas si touchant. Mais au fur et à mesure de la construction du pont, que les fondations accueillent les piles, que le tablier va être posé, et tandis que l’équipe du petit chantier naval tâche de répondre à une commande difficile, il devient de plus en plus difficile de ne pas agir. Et quand une convergence d’événements l’amène enfin à agir, c’est toute sa vie qui va s’en trouver modifiée.

Dans cette histoire on se dispute en jouant aux cartes, on fait griller des sardines, on va pêcher, la patronne du bar chante du Brassens en s’accompagnant à l’accordéon, c’est un récit écrit à hauteur d’hommes où perce beaucoup de tendresse. La plume de Martin Dumont y est très juste, avec ce qu’il faut de poésie désabusée ; il campe en quelques phrases l’ambiance d’un bar ou l’adrénaline d’une sortie dans une mer agitée. Alors, pris sous le charme, on se dit que malgré le pont, une île sera toujours une île et qu’on irait bien y faire un tour. – Emmanuelle Bastien

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Martin Dumont nous ouvre les portes de la vie de Leni, jeune père séparée de la mère de sa fille, au moment où la vie de l’île, sur laquelle il vit et travaille, connait un bouleversement irréversible puisqu’un pont est en cours de construction pour relier le continent. Une opportunité économique pour certains, une nécessité face à la baisse démographique, la fin d’un monde pour d’autres.

« Ce pont, il a chuchoté, c’est la mort de la poésie. […]
C’est pas rien, une île… C’est un bout de terre planté au milieu de l’océan. Un caillou peut-être, mais avec la mer autour. Un truc magique, un endroit d’où tu ne peux pas te barrer comme ça, juste sur un coup de tête. Et même pour la rejoindre d’ailleurs ! Une île, ça se mérite. Faut prouver qu’on est digne de l’atteindre, faut être à la hauteur. […] Si tu construis un pont, tu détruis tout, non ? Moi, je dis que tu la tues, cette île. »

Tout le roman est construit autour d’une jolie analogie. Leni aussi est une île qui a peut-être besoin d’un pont. Sa vie aussi va être bouleversée par l’irruption du pont qui amène Chloé. Doit-il s’ouvrir aux autres ou se recentrer sur lui voire se refermer ?

Même si j’ai trouvé l’histoire convenue, sans la densité romanesque que j’attends pour frissonner de quelque part, Martin Dumont déroule son récit avec tellement de sensibilité, à hauteur d’hommes, avec pudeur, que le charme a tout de même pris. On sent toute la passion de l’auteur, architecte naval, pour la mer et tout ce qui gravite autour d’elle. Il dit avec sincérité la rudesse, la solidarité, la camaraderie de ce microcosme insulaire exclusif. Il raconte magnifiquement la fierté qui anime ceux qui sont liés à la mer.

C’est cette simplicité limpide, ces silences justement dosés qui respirent entre les actes, qui m’a touchée. Ce livre ne restera pas profondément ancré en moi, mais il m’a fait immédiatement du bien par la lumineuse humanité qui s’en dégage. Jusqu’à la dernière phrase, poétique et positive, très réussie. – Marie-Laure Garnault

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Leni répare des bateaux, son chantier naval est en danger. Séparé, il voit peu sa fille. Et au cœur de toutes les discussions: le pont, qui va relier son île et le continent.
Autour de Leni tout le monde s’engage en faveur ou contre cette construction. Leni, lui, navigue au milieu de ses soucis, et prend parfois le large pour essayer de les oublier. Il se cherche, n’arrive pas à se positionner et afficher ses idées.
Dans ce roman poétique insulaire, Martin Dumont nous conte ainsi cet anti héros, taiseux, très attachant.
Ce petit trésor se mérite comme son île. Deuxième roman encore plus prometteur que le premier. – Anne-Claire Guisard

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Lire également les billets de :

Henri-Charles Dahlem : https://collectiondelivres.wordpress.com/2021/04/27/tant-quil-reste-des-iles/

Marie-Claire Poirier : http://abrideabattue.blogspot.com/2021/05/tant-quil-reste-des-iles-de-martin.html

Nicole Grundlinger : http://www.motspourmots.fr/2021/01/tant-qu-il-reste-des-iles-martin-dumont.html

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