“Laure souffrait d’une déformation professionnelle : elle voyait le réel à travers les livres. Ou plus exactement, elle n’en souffrait pas. Elle avait besoin des mots des autres pour décoder les êtres et les choses ; interposer la littérature entre elle et le monde la protégeait. Elle n’aurait su dire de quoi”.

Laure est maître de conférences spécialiste de linguistique et de Flaubert, c’est une professeure sérieuse et raisonnable, fragilisée par une rupture amoureuse récente.
Elle « rencontre » Vincent sur Facebook grâce à une discussion autour d’Éric Rohmer, Vincent réalise des documentaires et a écrit un roman. Ils communiquent dans une communauté regroupée autour du même centre d’intérêt et Laure perçoit beaucoup d’affinités intellectuelles entre eux. Très vite Laure devient addict au réseau social et surtout addict aux échanges avec Vincent avec qui elle ne communique que par messagerie instantanée jamais par téléphone, le jeune homme semblant peu empressé pour la rencontrer physiquement. Leur complicité devient ainsi flirt puis sentiment amoureux sans qu’ils ne se soient jamais rencontrés.
Vincent renvoie l’image d’un être solaire sur les réseaux sociaux mais qu’en est-il en réalité? « La seule chose qu’elle connaissait de cet homme était un amas de signes qui, comme tous les signes, s’interprétaient selon un contexte, dont elle ignorait presque tout ». Peu à peu Laure va s’interroger sur la portée d’une émoticône cœur, scruter avec angoisse le fameux point vert qui indique qu’il est connecté, qu’il est derrière son écran alors qu’il ne lui répond pas « L’objet magique devenait instrument de torture ». Elle va chercher à le connaître en scrutant sa page Facebook, en lisant les commentaires de ses amis, elle va lire les mêmes livres, regarder les mêmes films que lui et surtout interpréter le moindre signe. Cela vire vite à l’obsession, la jalousie pointe… Mais ne se fait-elle pas un film? N’ imagine-t-elle pas qu’ « il pourrait même être celui qui sera l’homme que j’aime« comme le chante si bien Véronique Sanson.
» Le virtuel amplifiait l’incertitude car les gestes, les regards, le ton de la voix, tous ces indices participant à la bonne compréhension du message étaient absents.«
Stéphanie Dupays analyse de façon très fine et très juste les réseaux sociaux et en particulier l’amour à l’époque de ce mode de communication moderne. J’ai trouvé intéressant qu’elle mette en scène une femme passionnée de littérature qui vit dans les livres et voit le monde à travers les grands auteurs qu’elle côtoie tous les jours dans ses lectures. Le récit est truffé de citations qui font écho à la relation virtuelle que vit Laure avec Vincent, Proust est notamment très présent. « Swan (Proust) serait devenu fou sur Messenger. Lui qui interprétait le moindre signe, qui trouvait dans chaque geste ou chaque mot de quoi nourrir sa jalousie, aurait trouvé un réservoir inépuisable de souffrance. » Stéphanie Dupays nous raconte une histoire qui illustre à merveille la confusion qui peut s’installer entre vie virtuelle et vraie vie, elle montre l’emballement de l’imaginaire à l’origine d’un emballement amoureux, elle dissèque les ravages engendrés par la sur-interprétation du moindre signe. Sans aucune ironie ni exagération, elle questionne notre rapport aux réseaux sociaux, ce nouveau mode de communication qui change les relations humaines, elle met en évidence la solitude dans laquelle ils peuvent maintenir, malgré les apparences, ceux qui les voient comme un remède à leur solitude. Une démonstration implacable sur un monde où l’apparence, la façade priment hélas trop souvent. « La bonne humeur est l’ingrédient indispensable du cliché entre amis pour les réseaux sociaux « – Joëlle Guinard
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Et voilà mon premier vrai coup de cœur dans le cadre des 68 premières fois
« Comme elle l’imagine » raconte une petite année de la vie de Laure, pas tout à fait la quarantaine. Laure est brillante, professeure à l’université, spécialiste de Flaubert. Laure analyse les textes, organise des colloques, fait des recherches. Laure passe son temps à rêver sa vie et sort d’une relation de dix ans. Elle rencontre Vincent sur Facebook et des conversations privées commencent à naître entre eux.
Ce texte m’a tellement parlé, je me suis tellement retrouvée en Laure quand il y a 21 ans j’ai rencontré mon futur mari sur un chat (les prémices des réseaux sociaux). J’avais beau avoir 17 ans et Laure presque 40, les états d’âmes sont les mêmes. L’attente d’un message, l’esprit qui vagabonde, la jalousie de savoir qu’il parle peut-être de la même manière à d’autres filles, le cœur qui bat quand on voit qu’il se connecte, les mois de discussions par écran interposé, et puis un jour, la rencontre en chair et en os.
Non vraiment, j’ai trouvé ce roman brillant, beaucoup de belles références et citations littéraires ou cinématographiques, une lecture très fluide, bref je vous le recommande ! Notre époque, le rapport aux réseaux sociaux, nous ici sur bookstagram, les blogs, FB, etc. nous ne pouvons qu’être interpellés par ce roman.- Marie-Anne Pittala
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Laure, professeur de lettres, spécialiste reconnue de Proust et de Flaubert, se retrouve seule après avoir quitté son mari Olivier dont elle a partagé la vie pendant dix ans. Pas facile de restée seule quand autour de soi tous les amis sont en couple et s’inquiètent de son célibat. Laure s’est inscrite sur un réseau de rencontres et croit avoir découvert la perle rare en la personne de Vincent, un écrivain. Ils ont les mêmes passions, se répondent au quart de tour. Ils s’écrivent plusieurs fois par jour jusqu’à l’obsession « une fantasmagorie ayant pris possession de son cerveau ». En tout cas du côté de Laure « Ces signes minuscules, numériques ou non, avaient beau être frustrants et n’être qu’un ersatz de la présence, on y était aussi accro que le drogué à sa dose quotidienne. » Comme une midinette, Laure croit au grand amour alors que Vincent lui a clairement précisé qu’il ne tomberait plus jamais amoureux. Elle attend tout de leur première rencontre « Vincent était une idée façonnée par Laure à l’image exacte de son désir », Stéphanie Dupays se serait-elle inspirée de la chanson de Véronique Sanson pour choisir le titre de son livre ? Comme Je L’imagine : « Comme je l’imagine, il sourit d’un rien – Comme je l’imagine, il pense bien – Comme je l’imagine, il pourrait même – Être celui qui sera l’homme que j’aime … ». Vincent sera-t-il à la hauteur de ses espérances ?
Stéphanie Dupays n’a pas choisi au hasard les auteurs qui passionnent Laure. L’un, Flaubert a posé les bases du style littéraire moderne,. L’autre, Proust est connu pour sonder les variations de l’esprit humain notamment avec des thèmes comme l’amour et la jalousie. Proust cherche à décrire la réalité, la vérité telle qu’elle est vécue, ressentie, dans tous ses aspects, par le narrateur et les personnages. Ses phrases se doivent de transcrire le plus fidèlement possible la réalité sensible et tous ses plans (physiques, émotionnels, sensoriels).
Stéphanie Dupays décrit avec précision le fonctionnement des réseaux sociaux, les avantages ainsi que les désillusions qu’ils occasionnent. Un sujet d’actualité brûlante qui n’aurait pas pu être traité ne serait ce qu’il y a dix ans. De nos jours, les jeunes en recherche de l’âme sœur/frère ne comptent plus sur le hasard des rencontres. Ils s’inscrivent directement sur les réseaux sociaux décrivant avec force détails le profil idéal de la compagne ou du compagnon recherché. Où est passé le romantisme dans tout cela, la magie de la découverte de l’autre ? – Françoise Le Goaëc
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Stéphanie Dupays va bien plus loin qu’une simple histoire émotionnelle. Elle décortique de manière ciselée, intellectuelle, le rapport amoureux, la littérature, le cinéma, les arts, l’éblouissement imparfait du jeu de la séduction. Il y a comme une analyse sociologique d’un rapport de correspondance virtuelle du 21ème siècle, la mise en abime avec les grands romans de la littérature française où le courtois se buvait à petit gorgée dans les salons et les boudoirs cachés des regards. Elle nous montre le paradoxe de ce monde virtuel, où l’écran a pris le rôle du compagnon nous contraignant sans nous en rendre compte, à mettre en jachère le réel. Chacun s’est réfugié derrière l’image bleutée pixelisée, attendant la jouissance du lien, de la petite bulle bleue, verte, rouge qui donne naissance à la discussion, les likes récoltés. Comme un curseur, un point 2.0, la fin d’une ère et le début d’une nouvelle.
Pour tout dire, je ne sais si j’ai réellement aimé ce roman ou non, si j’ai aimé ce personnage de femme qui se prête elle aussi au jeu séduisant des réseaux sociaux après avoir été instrumentalisé. Mais il montre une vraie facette de notre société. Un monde qui s’est réfugié derrière des écrans sans chercher à percer la vérité, la sincérité, à complexifier les relations et les tendre vers un miroir aux alouettes. Un roman sur la solitude d’un monde réel. Un monde où l’amour 2.0 n’a jamais été aussi proche du 0. Une écriture. – Sabine Faulmeyer
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Laure a découvert Facebook un peu part hasard. De fil en aiguille, elle a commencé à discuter avec Vincent, en qui elle a trouvé un alter-ego. Ils partagent les mêmes références culturelles, ont le même humour et passent du temps à « parler » ensemble. Il n’en a pas fallu beaucoup plus pour que l’universitaire esseulée tombe amoureuse. Elle aimerait bien que leur histoire se concrétise. Reims n’est pas si loin de Paris.
Le jour tant attendu arrive, mais au lieu de rassurer Laure sur la solidité de leur relation, cette rencontre la rend plus fragile. Laure commence à douter, à s’interroger. Elle qui avait déjà pris l’habitude de fouiller le Web pour « apprendre à connaître » Vincent se retrouve à passer des heures devant son écran pour traquer des infos et des indices qui sont en réalité bien loin de la rassurer. Ainsi faisant, elle entretient un cercle vicieux qui l’isole et la rend toujours plus dépendante de sa relation et des réseaux sociaux. Happée, hypnotisée, quel électrochoc pourra bien la réveiller ?
C’est le second roman de Stéphanie Dupays. Il n’est pas très long (à peine 160 pages dans une police de caractères assez grande), mais il est dense et difficile à lâcher une fois qu’on l’a commencé. Si Vincent ne semble pas être un personnage très sympathique, Laure pourrait être une amie, un proche.
J’ai beaucoup aimé cette histoire qui évoque de façon très juste plusieurs thèmes sociétaux très contemporains. Avant même de souligner la place qu’ont pris les écrans dans nos relations aux autres, Comme elle l’imagine traite de la solitude, même lorsqu’on a une vie sociale, au travail et en dehors. Qu’est-ce qu’entretenir des vrais liens d’amitié lorsqu’on ne pense qu’à retrouver le monde tel que nous l’apportent nos écrans ? Cultive-t-on vraiment son jardin secret en surfant sur le Web ?
En trame de fond, portant toutes ces questions, Stéphanie Dupays explore aussi, et de façon très moderne, l’éternelle question du sentiment amoureux. L’amour au XXIème oscille entre tradition et nouveauté. Les réseaux sociaux alimentent les deux aspects : d’une part, ils recréent la possibilité d’une correspondance, de l’autre, ils tendent vers la transparence absolue, qui pose question, même au sein d’un couple. – Claire Séjournet
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Bon autant vous dire que ni la couverture ni l’histoire n’ont suscité en moi un quelconque engouement pour entrer dans cette lecture.
Et pourtant…
Stéphanie Dupays, interroge à travers une femme trentenaire, professeur de littérature, spécialiste de Flaubert, les signes, leurs interprétations, la frontière qui sépare fantasme et imaginaire, ces chimères qui prennent possession de notre corps de notre tête, la révolution contemporaine des réseaux sociaux, l’impact qu’ont la littérature et la musique sur nos relations, notre façon d’aimer, les codes de la séduction, le jeu amoureux.
Elle raconte ce qui fait l’intemporalité du sentiment amoureux: l’attente, le désir, l’inquiétude au travers d’une instantanéité que représente cet objet qu’elle qualifie comme « un système de signes qui véhiculaient une idéologie tacite ».
Elle interroge ainsi notre sentiment de liberté car par la médiation du portable, l’incertitude qui définit l’instant de séduction est sensée disparaître notamment grâce à cette immédiateté. Il n’est, cependant, qu’entrave et asservissement.
Cette spécialiste du sentiment amoureux, experte des mots et de l’écrit, paradoxalement, se focalise sur ce que les messages ne semblent pas inclure, ne parvient pas à prendre de la distance, est dans la surinterprétation.
L’être aimé n’est ainsi qu’un système de signes qu’elle tente d’interpréter.
L’auteur interroge ainsi l’existence d’un dialogue amoureux sans la rencontre, sans le regard, sans les gestes, l’odeur, la voix.
Elle questionne cette apparente complicité qui existerait grâce à ce tiers virtuel qui altère les comportements, une union avec un fantôme qui ne cesse de mettre cette femme face à sa solitude.
Elle interroge sur la toxicité de ce monde virtuel mais également sur l’influence des livres qui masquent le réel et qui fait que l’on tomberait amoureux.
C’est un livre agréable à lire. – Alexandra Lahcène
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En 2016, j’avais lu – et beaucoup aimé – son premier roman « Brillante ». Je viens de terminer le deuxième « Comme elle l’imagine » et j’ai adoré. Décidément Stéphanie Dupays a un talent fou pour analyser la vie quotidienne, qu’il s’agisse du monde du travail et de ses travers, ou du sentiment amoureux à l’heure d’Internet.
Laure rencontre Vincent sur Facebook et, à coup de messages publics, puis privés et de SMS, en tombe amoureuse. Elle a l’impression de tout connaître de ses goûts, ses manies, ses penchants mais… cela reste virtuel. Qu’en sera-t-il s’ils se rencontrent réellement ?
Dans une langue simple et fluide, un vocabulaire adéquat, minutieusement choisi, l’auteure décortique une histoire d’amour à l’heure des réseaux sociaux. Elle dissèque chaque émoi de Laure dans l’attente d’un message de Vincent, d’un like, de la petite lumière verte synonyme de connexion, mais aussi de ses déceptions, il est connecté mais ne répond pas, il s’est déconnecté… Toute une vie attachée à un clic. Mais tout autant que l’observation du sentiment et de ses évolutions, j’y ai trouvé une étude décapante de ces fameux réseaux. Elle nous met – et, si c’est déroutant c’est également très pédagogique – face à nos propres dérives en la matière. « Au printemps précédent, Laure s’était inscrite sur Facebook… L’alibi culturel, c’était le prétexte qu’elle avançait pour justifier les heures qu’elle passait désormais à naviguer de page en page.« Après tout, n’est-ce pas ma propre excuse ? Laure se crée un portrait de Vincent au gré de ses posts :« Il ne montrait aucune photo de vacances, aucune photo de repas ou de sortie entre amis. Contrairement à beaucoup d’utilisateurs Facebook, il ne photographiait pas tout ce qu’il mangeait, ce que Laure apprécia. » Virtualité, quand tu nous tiens !
Et comme mon plaisir de lire se niche aussi parfois dans les détails, la surprise fut belle d’y retrouver quelques vers de mon poète contemporain préféré, René-Guy Cadou, dédiés à son aimée Hélène. J’ai aussi souri de la description parfaite de Palavas-les-Flots, plus communément appelée Palavas par les locaux : « La ville ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait imaginé. Pour elle, Palavas c’était la mer bleu franc d’où se détachaient des voiliers blancs, les vagues mourantes se perdant sur le sable dans un tourbillon d’écume, comme dans le tableau de Gustave Courbet…Ce fut un bord de mer bétonné, des boutiques saturées de souvenirs made in China, des restaurants aux devantures criardes que découvrit Laure. »
Un roman captivant par sa simplicité d’écriture, sa facilité de lecture, l’intelligence et la pertinence de ses analyses, la richesse des références littéraires et musicales et à titre plus personnel le recul qu’il m’a permis de prendre vis-à-vis de Facebook et de ses leurres. – Geneviève Munier
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Quand on lit l »œuvre d’une amie on sait l’importance de la subjectivité et tant mieux.
Mais quand le talent d’écriture est là … belle symbiose entre émotion et admiration .
J’ai retrouvé ce que j »avais tant aimé dans « Brillante » : l’intelligence, la finesse, le regard acéré sur la société, la mécanique des cœurs…
Avec délicatesse, Stéphanie Dupays déplie les fines couches de protection pour nous donner à voir l’intime, le sensible, le fragile.
On peut se croire caché, jouer à « il était une fois », se permettre sincère, se mettre en danger, à nu,le monde virtuel fait miroiter des possibles, nous entraine dans ces zones de brume où les espoirs se perdent, nous laissant seul face à l’écran noir … détourner la tête vers la fenêtre, vers la lumière, la vie qui bat dehors au rythme des saisons, il y fait froid, il y fait chaud … c’est selon … – Christiane Arriudarre
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J’ai découvert le livre de Stéphanie Dupays peu après avoir entendu parler du roman de Camille Laurens, « Celle que vous croyez » et avoir appris qu’un film en avait été tiré. Il faut croire que le sujet de l’amour et ses désordres à l’heure des réseaux sociaux est devenu une question de société suffisamment importante pour que la scène culturelle s’en empare avec une telle ardeur.
Le premier chapitre est magnifique, le lecteur croit assister à une scène classique de la vie d’un couple partageant chez lui une fin de journée banale dans un monde rassurant, alors que…
J’ai aimé la façon dont l’auteure fait évoluer les protagonistes de « Comme elle l’imagine » dans un cercle urbain et intellectuel privilégié (Laure est chercheuse en littérature, Vincent est écrivain-documentariste). Comme quoi avoir bac+15 ne met pas à l’abri des erreurs de jugement et d’une existence remplie… d’un vide sidéral.
Elle analyse finement les nouvelles façons de se rencontrer dans la vie virtuelle, de se rapprocher et de mesurer ses affinités au travers d’un écran qui protège et aseptise, d’échanger sur une même longueur d’onde provoquant ainsi ravissement et désir (comme dans la vraie vie !).
Il semble qu’aimer à l’heure des réseaux sociaux induit de connaître désordres et désillusions, et d’emprunter les mêmes chemins que dans la vraie vie ; sauf que dans la nouvelle Carte du Tendre, une personne aimée virtuellement n’existe que dans l’esprit de celui qui la construit sur mesure pour répondre à ses attentes.
Elle a des pages magistrales sur l’addiction au like et la déconnexion du réel, sur l’attente fébrile des messages de l’être aimé, sur l’énergie exclusivement passée à chercher les signes dans quelques caractères d’un message Facebook, sur l’enthousiasme amoureux qui reste au stade de promesse (abondance de messages échangés mais absence de rencontre physique), sur le besoin de se rassurer en espionnant le compte du partenaire et le voyeurisme qui en découle, sur le décalage actes/paroles, sur les liens entre relation virtuelle et mensonge, amour et fantasme…
En bref, «Comme elle l’imagine» est une réussite, à la fois source d’interrogation et plaisir de lecture. – Marianne Le Roux Briet
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Qu’il est doux le temps où se forme le désir dans le cerveau d’un être humain. A chaque époque le moyen de communication se diversifie, se modernise, mais le mécanisme que déclenche une correspondance amoureuse est universel.
« Facebook est un peu une salle de shoot, non ? On peut se sevrer avec des images, les regarder indéfiniment jusqu’à se convaincre de la présence de l’autre. »
Découvrir que même en ayant partagé beaucoup de mails, de like, elle ne savait pas grand-chose des goûts de l’autre, c’est le premier pas pour quitter le monde de l’imaginaire, pour entrer dans la vie.
« Comme elle l’imagine » n’est pas superficiel ni anonyme comme peut l’être ce que l’on partage devant l’ordinateur. C’est un livre intelligent.
C’est le portrait, agrémenté de citations diverses et sympathiques, d’une femme à travers son lien avec internet que nous raconte Stéphanie Dupays. Parfois se dessine une certaine obsession de la part de Laure, il nous manque la version de Vincent. – Renaud Blunat
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C’est sans doute une question de génération mais je n’ai pas du tout adhéré à ce livre. Certes l’écriture est agréable, les références cinématographiques et littéraires plutôt sympa, mais l’histoire… Comment peut-on vivre ainsi par écrans interposés ? Après un commentaire de Vincent sur son facebook Laure va tomber amoureuse d’une chimère car le véritable Vincent est bien loin de l’image qu’elle s’en fait mais elle va chercher les non-dits derrière les mots, va le traquer sur son facebook, épier sa page et ses photos afin de débusquer une rivale. Elle va devenir complètement accro à son portable au point de négliger ses amis IRL. Elle reprendra heureusement pied dans la réalité.
Je pense cependant que ce roman trouvera un écho en beaucoup vu le nombre de personnes que l’on rencontre scotchées à leur portable. – Michèle Letellier
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Ce n’est pas la quatrième de couverture qui m’aurait incitée à me plonger dans ce roman : une histoire d’amour sur fond de réseau social, voilà qui évoque un parfum de déjà vu. C’est tout l’intérêt des lectures guidées par le choix d’un groupe, ici les 68 premières fois, de découvrir de nouvelles plumes, de se laisser surprendre par un récit beaucoup plus attractif que ne l’aurait laissé supposer les quelques lignes imprimées au verso. C’est aussi la preuve que l‘écriture fait tout, et peut transfigurer la banalité d’un sujet qui peut à première vue laisser indifférent. C’est pourtant le plus souvent de cette façon que l’on présente en quelques mots un livre dont on veut partager la lecture : par le sujet (d’où ces réactions inévitables. : encore la seconde (ou la première) guerre mondiale, encore la relation mère-fille, encore l’inceste…).
Pour revenir à Comme elle l’imagine, un autre élément défavorable pour un choix à l’instinct : le titre. C’est un peu tendance d’utiliser des titres de chansons, avec l’écueil de superposer deux univers dont chacun est le reflet d’un vécu qui s’inscrit dans une histoire personnelle, par les souvenirs et la période qui lui sont associés. Certes de nombreuses musicales références émaillent le récit et en justifie l’emploi.
Venons-en à cette rencontre avec Laure, universitaire spécialisée en littérature, qui tombe dans le doux piège des réseaux sociaux. L’essayer, c’est l’adopter, et au delà des alibis culturels, c’est bientôt sa solitude qu’elle offrira en sacrifice : le jeu périlleux de la séduction est un piège hautement dangereux. Outre les écueils d’une interprétation abusive, d’un procès d’intention, qui n’est pas l’apanage d’une correspondance en messages instantanés (les lettres reçues grâce au zèle des facteurs subissaient il y a quelques décennies le même sort), c’est la temporalité qui ajoute à l’angoisse. Réponse immédiate différée, pas de réponse…tout cela crée le manque, et dénature le raisonnement.
Belle leçon de prudence, qui s’adresse à nous tous. – Chantal Yvenou
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Belle surprise que ce roman tout en subtilité, à l’écriture classique pour une histoire contemporaine dans laquelle beaucoup se reconnaitront.
Je n’ai pas grand-chose à dire, sinon que j’ai passé un délicieux moment de lecture en compagnie de Laure, une jeune intellectuelle spécialiste de Flaubert qui se laisse happer, comme une midinette, par le miroir aux alouettes virtuelles de son écran. C’est bien écrit, délicat, les mots choisis sont toujours justes. Un régal dont le seul défaut est qu’il est trop court.
Je n’ai pas lu Brillante, son premier roman, mais je vais vite combler cette lacune. – Françoise Floride-Gentil
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Laure est professeur de lettres, satisfaite de son métier, entourée d’amis, elle vit seule et se sent bien ainsi, bien mieux que si elle était mal accompagnée comme on l’affirme si souvent. Pourtant, lorsqu’elle tombe sur Vincent, rencontré à la suite de quelques échanges sur Facebook, échanges qui montraient leur communion d’idées et de point de vue, rapidement l’envie d’en savoir plus, de le connaitre et surtout de le rencontrer va se faire de plus en plus prégnante.
Habituée à sa solitude ordinaire, celle du bonheur de se retrouver avec un livre chez elle par exemple, elle va désormais sombrer dans la solitude forcée, celle qui la pousse à attendre près de l’ordinateur la petite lumière verte qui lui dit qu’il est là, qu’il va lui parler…Ah le piège des échanges virtuels, ceux qui permettent de tout dire sans risque, sans le regard de l’autre, sans s’impliquer dangereusement. Piège également de l’immédiateté, qui fait se poser mille et une questions lorsqu’il n’y a pas de réponses mais que la présence est avérée… Laure a besoin de ces échanges, autant pour découvrir Vincent que pour se révéler à elle-même, différente, plus libre peut-être ? Pourtant Laure examine, détaille, décortique chaque mot, photo, réaction de Vincent, pour tenter de le comprendre mais au risque aussi d’interpréter à sa façon et de s’imaginer ce qui n’est pas.
Lorsqu’elle provoque la rencontre avec celui dont elle est tombée amoureuse par écran interposé, le résultat ne sera pas forcément identique pour chacun d’eux. Alors, passion qui ébloui, amour qui rend aveugle, solitude trompée dans un échange fragile et sans lendemain ? Et si l’amour, le vrai, était plutôt celui d’à côté, concret, réel, vivant ?
Voilà une intéressante analyse de l’influence des réseaux sociaux sur notre vie au quotidien, addiction, vérité ou faux-semblants, par le biais de son héroïne, l’auteur fait une fois de plus une analyse brillante de notre société. Ou quand le virtuel change les codes, mais utilise toutes les phases de la relation amoureuse, en particulier épistolaire, même si le rapport au temps, en particulier l’attente, n’existe plus et modifie ces codes de la relation amoureuse, pour le meilleur mais certainement aussi pour le pire !
Je ne peux m’empêcher de penser à (et de vous conseiller également !) la lecture du roman de Philippe Annocque que j’avais vraiment beaucoup aimé : Seule la nuit tombe dans ses bras. – Dominique Sudre
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Après avoir exploré le monde de la grande multinationale dans Brillante, Stéphanie Dupays confirme son talent d’analyste de notre société en racontant la rencontre de Laure et Vincent via Facebook et leur histoire d’amour.
Laure et Vincent ne se sont jamais rencontrés, pourtant ils partagent beaucoup de leur intimité, aiment échanger sur leurs lectures, leurs films, leur vie… C’est par le truchement de leurs comptes Facebook qu’ils ont fait connaissance et qu’ils correspondent régulièrement. «Elle avait trouvé un cocon chaud et doux, où elle pouvait faire halte, et, si quelqu’un la comprenait vraiment, ses nuits d’insomnie étaient moins noires. En quelques semaines, l’admiration se mêla d’affection, le plaisir de recevoir un message vira à l’attente du suivant, la complicité se transforma en sentiment amoureux.» Laure attend avec impatience le prochain message de son ami virtuel.
Enseignante et agrégée de lettres, elle sait décortiquer les phrases, sait le poids des mots, sait chercher les signes derrière les expressions et sait jouer avec la langue. Mais ce qui lui plaît aussi dans ses échanges, c’est aussi l’effet-miroir, l’image d’elle qui lui renvoie son correspondant «une autre version d’elle-même. Non plus la prof sérieuse penchée sur ses copies, un stylo à la main, devant un thé et une profiterole au café d’en bas, mais une femme flirtant avec un homme qu’elle n’avait jamais rencontré.» Une femme qui confie sa mélancolie et s’imagine pouvoir tirer un trait sur sa relation passée en s’investissant davantage dans cette «relation électronique». Elle s’intéresse aux auteurs qu’il affectionne autant qu’à tout ce qui touche Reims, la ville où il est domicilié. Elle dresse des listes des films et des livres dont il parle et elle interroge Facebook pour y trouver des informations supplémentaires, dénicher l’ex-copine de Vincent et n’hésite pas à la demander en amie pour pouvoir creuser affiner son profil. «Laure échafaudait des hypothèses, inventait des scènes de rupture, construisait des scénarios.»
Hypnotisée par l’écran, elle va devenir de plus en plus addictive aux signes et aux messages, au point de ne plus pouvoir supporter de trop longs silences et de maudire celui qui la faisait tant languir. Jusqu’au jour où la rencontre tant espérée à lieu: «Il était là, devant elle. Celui dont elle avait tant rêvé, celui dont elle avait pressenti à partir d’un amas de signes numériques qu’il pourrait être le bon. Et à chaque phrase elle sentait que son intention se vérifiait.»
Si ce roman est si réussi, c’est que la romancière parvient fort bien à montrer que l’amour au temps de Facebook conserve les mêmes codes qu’aux siècles passés, que la passion empêche le discernement, que l’on projette sur l’autre ses désirs, que l’on efface ses doutes pour une promesse de bonheur aléatoire.
Même si très vite il aurait pu se rendre compte que l‘investissement de Vincent était bien plus restreint, qu’il se satisfaisait des quelques heures passées ensemble, qu’il ne parlait pas de s’installer avec elle ou de l’inviter chez lui, elle s’attachait à son rêve. Par la même occasion, elle s’interdisait la possibilité d’une «vraie rencontre».
Comme dans Brillante,son précédent roman, Stéphanie Dupays analyse notre société avec beaucoup d’acuité. Sans porter de jugement, elle analyse les ressorts de l’élan amoureux au temps des réseaux sociaux et montre combien il faut se méfier du fossé entre virtuel et réel. – Henri-Charles Dahlem
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Laure, professeur trentenaire, seule, va se livrer sur Facebook à un échange nourri de messages avec Vincent. Même amours de Flaubert, Proust, René Guy Cadou ou encore Véronique Sanson, J.J. Goldman, de la nostalgie, des vieux films de Rohmer… Laure est séduite.
« J’aime à vous écrire, c’est épouvantable, c’est donc que j’aime votre absence » Mme de Sévigné.
Est-elle amoureuse ou est-ce la recherche du sentiment amoureux qui rend Vincent si attirant ? Les réseaux sociaux ont changé la manière de se rencontrer pour certains : se livrer sincèrement, être dans l’attente de l’approbation de l’autre, dans l’inquiétude si la réponse tarde, le désir d’apprendre à connaître virtuellement Vincent, pour se convaincre que ce sera la bonne personne, avant de l’avoir face à soi. Tout cela donne l’impression à Laure de vivre plus intensément, de remplir l’espace vide, de développer un lien plus fort puisqu’elle a été comprise.
L’auteur nous offre un roman ciselé, ponctué de références littéraires, pour décrire la solitude d’aujourd’hui. Elle intellectualise, décortique la rencontre 2.0, les amitiés virtuelles, la relation créée par Laure dans sa soif d’amour, son besoin de reconnaissance et paradoxalement d’un réel alter-ego puisqu’elle a été elle-même, totalement, avant la rencontre physique.
Un récit maîtrisé, enlevé, pour décrire un sujet d’une grande banalité, avec justesse, dans un monde où le portable est posé entre les individus en permanence dans l’attente d’un partage que l’on a trop souvent des difficultés à vivre face à face. La prédation de pseudo-séducteurs qui vampirisent les informations confiées pour construire l’amoureux idéal de femmes rendues naïves par excès de solitude.
Une fiction pour alerter sur la solitude, la rupture de contact vrai entre les individus, qui trouvera certainement son lectorat. Un roman adroit qui donne à réfléchir sur nos pratiques sur les réseaux sociaux. – Laurence Lamy
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Amour virtuel, dépendance aux réseaux sociaux, oubli de la “vraie vie “, piège d’internet, des réseaux sociaux … Une vraie analyse des rapports sociaux actuels et de leurs dérives. A rester en contact avec des inconnus et des “ like “, l’imaginaire prend le dessus et la dépendance s’installe.
Laure, un peu esseulée, va tomber dans les mailles du net, jusqu’à s’inventer une histoire d’amour guère satisfaisante.
Ce livre est subtil et tellement vrai que sa lecture devient dérangeante et angoissante. L’issue est néanmoins optimiste, ce qui dans la réalité ne doit pas toujours être le cas. Attention , danger ! – Anne-Claire Guisard
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L’amour, ce grand mystère. Quelle est la part du fantasme et celle de la réalité dans le désir que l’on projette sur l’autre tant convoité ? Comment notre environnement intellectuel et artistique a-t-il façonné notre image de l’amour ? Ces questions n’étaient déjà pas simples à l’ère du papier, se sont complexifiées avec l’audio-visuel et l’avènement des images… alors, que dire du temps présent, à l’ère du digital, des réseaux sociaux et de la représentation permanente ?
Stéphanie Dupays s’empare de ces questions avec l’acuité d’une observatrice attentive de la comédie sociale à l’heure des réseaux, et le recul d’une amoureuse de la littérature habituée à lire entre les lignes. Rien d’anodin en effet à ce que Laure, son héroïne soit professeure de littérature à la Sorbonne, et spécialiste de Flaubert. Le sentiment amoureux, en littérature, c’est un peu son truc, elle le décortique dans les textes à longueur de journées, tentant d’en faire partager les subtilités à ses étudiants. Alors, lorsqu’elle entame une relation virtuelle avec Vincent, forcément, chaque mot compte. Posts. Commentaires de posts. Messages privés. Ceux qu’ils échangent. Ceux que leurs contacts laissent à leur tour. La façon dont tout ce petit monde interagit. Laure est amoureuse, rêve de rencontrer enfin Vincent. Mais qui a-t-elle envie de rencontrer ? L’homme qu’elle imagine autour des indices qu’il sème à son intention ? L’image qu’il projette et celle qu’elle fantasme sont-elles conformes à la réalité ?
J’avoue que l’observation de nos comportements sur la toile est terriblement juste et fait prendre conscience des déviances que les écrans induisent dans notre jeu social. Ou plutôt de la façon dont ils les accentuent, voire les pervertissent. Parce que l’attente, le rêve, le fantasme, tous les ingrédients de la mécanique du jeu amoureux n’ont pas attendu Facebook ou Instagram pour déclencher les tempêtes sous les crânes, à tout âge. Ce qui a changé, c’est l’instantanéité. Comme le téléphone a bousculé les relations épistolaires, la messagerie instantanée et son petit point vert ont décuplé la tachycardie inhérente au doute instillé par l’attente. Le jeu amoureux est désormais « multimedia » comme l’a d’ailleurs montré récemment avec beaucoup d’humour Philippe Annocque dans Seule la nuit tombe dans ses bras (Quidam / août 2018), avec la perversion que cela induit, cette capacité à espionner l’autre au moyen de ses actions en ligne.
Mais ce qui explose à la lecture de ce roman, c’est l’illusion dans laquelle un individu peut s’enfermer. L’illusion de relations, amicales ou amoureuses. Illusion car leur virtualité fausse toute notion d’engagement, toute implication. Le parcours de Laure qui « souffrait d’une déformation professionnelle : elle voyait le réel à travers les livres » est en ce sens révélateur. Sa vision du réel ne passe plus seulement par les livres, mais désormais par l’écran de son ordinateur ou de son téléphone. Consciente que chaque individu se définit aussi par ses goûts littéraires ou artistiques, les musiques qu’il écoute, quelle crédibilité alors accorder à ce que chacun dévoile de soi sur les réseaux ? Sincérité ou mise en scène ? Là encore, le jeu de rôle éventuel ou la mystification ne sont pas des phénomènes nouveaux dans le jeu amoureux. Ce sont les outils qui ont changé et la façon dont ils vous jettent en pâture à un public dont vous vous seriez bien passé. Des outils qui vous attrapent sur la base d’une fausse promesse : briser votre solitude.
Stéphanie Dupays mène finement sa barque, avec un recul constant qui permet de décortiquer la mécanique des sentiments dans l’esprit de Laure. On est dans la raison, plus que dans l’émotion. Là où Camille Laurens montrait la dérive psychotique d’une femme engluée dans ses jeux de rôles et de séduction par écrans interposés (Celle que vous croyez – Gallimard – janvier 2016 et récemment superbement adapté au cinéma avec Juliette Binoche dans le rôle de Claire), Stéphanie Dupays dote Laure d’une solidité psychologique à toute épreuve. Tout en laissant affleurer le danger qui pointe à la moindre perte d’équilibre…
Disons qu’en refermant le livre, on a juste envie d’organiser une bonne soirée entre amis, IRL comme on dit sur les réseaux, et de se moquer un peu plus des drôles de demandes de mise en relation que l’on reçoit parfois. CQFD. – Nicole Grundlinger
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