Fais de moi la colère – Vincent Villeminot

“ Le soir où les gendarmes me restituèrent sa barque, j’y montai. Je n’avais plus de parents. Pas d’attaches. Une amarre, seulement. Un anneau au port. Un bateau, une barque, un banc de nage. Le labeur nous assigne à un lieu, une condition, une chaîne. J’y demeurai assise pendant une heure. Le port se taisait. Finalement je me penchai par-dessus la lisse et recueillis dans ma paume un peu d’eau d’avril, encore froide, plein de la fonte des neiges. On dit que les noyés parfois s’endorment, yeux ouverts, sans éprouver d’effroi dans un calme de cire. Mon père avait-il eu le temps, lui aussi, de transir ?”

Fais de moi la colere

Subjuguée. Avec cela j’annonce mon amour !!
Le roman débute de façon assez classique : le lac Léman ne rend pas le corps d’un pêcheur. Ismaëlle, sa fille, orpheline à seize ans, décide de le remplacer et monte dans sa barque avec courage malgré son inexpérience.
Dès lors, c’est l’irrationnel, le fantastique, les allégories, les références à la Bible car on verra qu’aucun nom ou prénom n’est choisi au hasard. Là-haut, dans le château abandonné de son père, on dit que « le Fils de l’Ogre » s’est installé.
Ismaëlle va à sa rencontre.
Ce jeune Noir se dit fils de tous les rois tyrans sanguinaires africains. Il porte le poids de leurs crimes auxquels il a assisté. Il est hanté par les visions du sang des génocides.
Il n’est qu’hallucinations, imprécations en grandes envolées lyriques.
Pour se sauver, pour sauver les hommes pervertis par l’argent, l’avidité de posséder encore et encore, il doit tuer le monstre Mammon qui génère cette cupidité et la richesse accumulée des banques Suisses.
Que l’auteur me pardonne, je ne sais pas exprimer mon ressenti.
Ce cri d’alarme angoissé contre notre civilisation perdue est saisissant. Poétique et désespéré.
J’aime les contes et les mythes.
J’ adresse tout mon admiration pour le travail d’écriture. – Mireille Le Fustec

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Fais de moi la colère n’est pas exactement le premier roman de Vincent Villeminot. Bien connu des lecteurs de littérature jeunesse (en particulier Young Adult), il fait ici son entrée en littérature “adulte », avec un roman magnifique, envoûtant, une plongée dans une histoire étrange, écrite dans une langue incandescente. Ismaëlle vit sur les bords du Lac Léman. Sa mère est morte en la mettant au monde, et son père, pêcheur, disparaît un jour, emporté par les profondeurs du lac. Brusquement, des corps sont découverts, remontant à la surface. Deux, puis trois, puis des dizaines. Les jours, les semaines passent, et le lac enfante toujours plus de cadavres, attirant toutes les curiosités malsaines. Mais Ismaëlle ne veut pas renoncer. Alors, seule et déterminée, elle continue de braver la malédiction qui semble s’être abattue sur les rives du lac et sur ses habitants. Quand tous les autres se réfugient derrière leurs peurs, Ismaëlle, elle, reste. Et s’apprête à vivre la plus intense et la plus passionnée des aventures… Inutile d’en dire trop, c’est un livre qui se vit avec tous les sens en éveil. Voyez plutôt la langue magnifique avec laquelle Vincent Villeminot vous happe et vous emporte.
« Les lacs creusent-ils partout dans les âmes une folie, un appel à la fosse ? Les âmes, partout, s’en trouvent-elles possédées ? Les grands lacs m’effraient. »
« Ici, il y a des chiens, des vrais, des chiens resplendissants. » – Amélie Muller
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Une entrée dans cette rentrée littéraire coup de cœur et claque véritable…. Un livre récit mêlant poésies, métaphores, récits de vie, histoire d’amour, fantastique, tragédies modernes et assez exceptionnel dans la maîtrise du récit, la qualité du vocabulaire et les caractères des personnages et de leur contexte. Conte épique et philosophique.
Comment deux personnages hors normes, aux origines parentales tragiques et complexes vont se sublimer et se transcender dans un monde où argent, égocentrismes, massacres ethniques, travers politiques colonialistes et technologies écrasent le genre humain. Un fantastique appel à se libérer des contraintes de nos sociétés modernes. Beaucoup de choses dans ce récit dont la qualité littéraire et intrinsèque me font classer cet auteur dans le répertoire de mes auteurs favoris ; Barjavel, Gaudé, Ferrari entre autres. – Olivier Bihl
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Voilà exactement le genre d’expérience que j’espérais vivre en participant aux « 68 premières fois » : découvrir la beauté d’un roman vers lequel je n’aurais pas été spontanément, que je n’aurais pas acheté ou choisi par moi-même. A priori : « Ce n’est pas ma tasse de thé » et après-coup: « Quelle chance de ne pas avoir raté ce livre! ».

Ismaëlle est une âme perdue: elle n’a pas connu sa maman, morte en la mettant au monde. Elle a seize ans. Le bateau vide de son papa pêcheur, puis son corps, sont retrouvés dans le lac Léman, au bord duquel ils vivaient à deux. Orpheline, elle grandit brutalement. Elle va à la rencontre d’Ezéchiel, le fils de l’ « Ogre ». Elle le reconnaît sans l’avoir jamais vu. Il est aussi une âme perdue. Il est né d’une blessure semblable à la sienne, mais dans un tout autre contexte. Entretemps, un mystère plane autour du lac: des cadavres par dizaines, puis par centaines, affleurent chaque jour à la surface, venus d’on ne sait où. Ezéchiel, lui, il sait, comme il sait que le temps est venu de son inévitable confrontation à Mammon, l’immonde bête venue se nourrir de ces mêmes cadavres. Il la poursuit depuis une vie mais là, il ne va peut-être pas l’affronter seul…

« Fais de moi la colère » (quel titre magnifique!) est plus qu’un conte moderne, c’est une allégorie foisonnante de notre humanité.

Le style est épuré mais débordant de poésie. Chaque mot, chaque phrase, chaque court chapitre: tout est précis et en même temps d’une grande densité. Les interprétations, les symboliques, les clés de lecture sont multiples, innombrables facettes d’une même pierre précieuse, taillée avec une précision d’orfèvre. Tout y est, sans être nommé: les relations entre l’occident et les pays dits « pauvres », les génocides, les dictatures, le capitalisme effréné qui nous souille, la maternité, la difficulté de la  rencontre du féminin et du masculin, la mesquinerie et l’héroïsme, la sexualité et la violence, l’horreur et l’espoir, l’absurdité et la joie d’être vivant.

Impossible de déplier toute la richesse du contenu sans le réduire et le figer, ce livre ne mérite pas un tel traitement. D’autres lecteurs y découvriront d’autres niveaux, à des profondeurs différentes, ou l’inverse de ce que j’ai cru y trouver; d’autres encore passeront plus ou moins à côté, peut-être déstabilisés par le singulier mélange de réalisme et de mystère. Charlotte Milandri (une des « fées », comme les chroniqueurs habitués les appellent, à l’initiative du projet) me l’avait écrit dans le petit mot qui accompagnait le livre: « …un roman pour lequel il fait déposer les armes et laisser faire la magie! »

En effet: Il faut plonger dans les pages comme Ismaëlle et Ezéchiel plongent dans le lac Léman : nus et assoiffés, nos idées préconçues laissées au bord de l’eau, à côté des vêtements. Malgré la crainte des corps inanimés, de la bête, de la vase, des crocodiles, allez-y, c’est beau et plein, revigorant et purifiant. Le lac est un centre névralgique de l’histoire: nous ne nous en éloignons jamais vraiment, son eau est tour à tour liquide amniotique, paradis transparent, vase ignoble d’où surgit la mort; miroir et fosse, source et perdition des hommes, des femmes et des fantômes. Mammon est la bête du lac et aussi la bête du ventre, le ventre de chacun d’entre nous, monstre archaïque qui se nourrit du potentiel destructeur présent en chaque être humain. Personne n’est indemne, personne n’est innocent. L’alliance vitale d’Ismaëlle et Ezéchiel leur permettra-t-il de livrer l’ultime combat, et d’y survivre?

N’allez pas trop vite! Relisez les phrases, les passages, les dialogues et laissez éclore la multitude d’images et de réflexions qui surgissent et vous traversent.  Puis il sera temps de tourner la dernière page, de laisser aller Ezéchiel et Ismaëlle, sorte de couple mythique, d’Adam et Eve de notre époque: ils nous montrent tout le bien et tout le mal et nous laissent, grandis, à nos propres combats. – Chiara Aquino (Chiccacocca un peu de)

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Vincent Villeminot est de ces auteurs qui osent. Là où d’autres s’emparent du réel, d’un quotidien, d’une histoire et les colorent de leurs mots, les enchantent de leur petite musique, lui, force les frontières, décloisonne l’imaginaire, s’approprie le fait divers et use de poésie comme si ce genre n’avait pas été remisé du récit épique depuis l’Odyssée !
Sa mer à lui a les contours fermés du lac Léman dont on imagine, à tort, qu’il n’a d’autre utilité que de donner un but de promenade à de vieilles jambes fatiguées ou à des ventres repus. Ce lac-là a des ambitions océanes, il a ses pêcheurs, ses bêtes secrètes, ses tempêtes et ses morts, il a ses histoires et ses secrets qui valent bien ceux des grands espaces marins. Par leurs parents, par leur histoire, Ismaëlle et Ezéchiel appartiennent à ce lieu dont ils ont hérité les rites, les mythes et les contraintes, en plus de l’immense solitude dans laquelle ils évoluent et qu’ils finiront par unir brièvement dans un combat à la vie à la mort contre une peur plus grande qu’eux.
Je tire sincèrement mon chapeau à Vincent Villeminot et aux Escales d’avoir osé faire le pari du lyrisme et du roman symbolique, presque fantastique où la poésie est reine et fait la part belle à de nombreux fantasmes entre vie et mort, néanmoins…néanmoins si certains passages m’ont particulièrement emportée et touchée par leur acuité et leur justesse, il m’est arrivé d’être rassasiée de poésie, d’images et de symboles jusqu’à la nausée et d’aspirer à cette salutaire simplicité qui, parfois, génère tant de beauté – Magali Bertrand
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Subitement orpheline, Ismaëlle décide d’honorer la mémoire de son père en choisissant la pêche comme moyen de subsistance, comme moyen de survivre. Jusqu’au jour où les corps envahissent le lac Léman, des centaines de cadavres qui remontent sans que personne ne sache d’où – phénomène étrange qui coïncide avec l’arrivée en ville du fils d’un dictateur africain cannibale, venu pour tuer Mammon, la Bête.
Conte initiatique ou véritable roman ? Difficile à dire. Tout commence comme un bon vieux roman, une jeune femme seule au monde tenant de survivre au quotidien, traînant sa peine, l’expulsant à coup de mots tranchants. Puis surgit Ezéchiel, cet homme noir, aux passés multiples, unique représentant de l’héritage maudit des dictatures passées. Est-ce un personnage ou un symbole ? Ismaëlle est-elle tombée amoureuse d’un homme ou d’une idée ? Impossible de trancher, le récit prend une tournure radicalement différente une fois qu’Ezéchiel a fait son entrée. Les dialogues sans queue ni tête remplacent le texte puissant et poétique du début, l’intrigue se fait touffue, compliquée. Les difficultés d’Ismaëlle, sa solitude, sa découverte du plaisir sont autant de thèmes qui m’ont d’abord parlé, j’ai apprécié les premières pages, malgré le froid détachement du personnage par rapport à sa situation. Mais la suite m’a complètement dépassée.
Dans la deuxième partie, je n’ai pas l’impression d’avoir lu l’histoire de deux personnages, mais une sorte de poème long et mystique où tout est métaphore, rien n’est vraiment dit, tout possède un second sens caché, indéfinissable. Les thèmes de la corruption, du blanchiment d’argent, du génocide reviennent de manière systématique, avec en fond une critique plus large du capitalisme, de la cupidité sans fin (« Greed ») – Mammon est-elle le symbole de cette gangrène qu’il faut éradiquer en lui ouvrant le ventre ? Ezéchiel est-il un ange vengeur descendu près du lac Léman pour libérer les hommes de leurs crimes ? A moins que ça n’ait été pour les punir ? Il semblerait qu’il y ait quelque chose à comprendre, pourtant je suis restée très en dehors de cette histoire, incapable de percer la couche superficielle d’un récit imperméable à toute interprétation. – Olivia Cheucle (The unamed bookshelf)
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Le titre de ce roman n’est pas innocent, il nous plonge d’emblée dans des émotions très fortes. La naissance d’Ismaelle est la cause de la mort de sa mère, d’où un manque affectif terrible pour l’orpheline. Plus tard, c’est son père, pêcheur de son état, qui disparaît dans les flots du lac Léman, alors qu’elle n’a que 16 ans. Seule femme au milieu des hommes, elle se met à pratiquer la pêche, l’un des métiers les plus physiques et les plus durs. Elle découvre son corps, le sexe, un peu ordinaire, avec un garçon dans son environnement immédiat. Et puis elle rencontre enfin Ezéchiel, jeune homme noir, fils d’un dictateur africain, qui vit dans les ruines de son palais. Ce roman est truffé de références mythologiques et bibliques, il raconte la lutte entre le Bien et le Mal absolu. Les morts flottent à la surface du lac, comme les cadavres des massacres au Rwanda, que l’on jetait à l’eau. La vie et la mort sont constamment entremêlés dans ce roman : à la façon dont sont décrits les riverains du lac, on se demande s’ils ne sont pas déjà morts, indifférents qu’ils sont à ce qui se passe autour d’eux, satisfaits de leur petite vie étriquée et égoiste. Ce roman est dérangeant, il m’a chamboulé, déstabilisé, emporté, troublé. Le souffle poétique qui l’anime est unique , l’auteur a mis plusieurs années à l’écrire , les mots ne sont pas choisis au hasard. Il n’est pas certain que j’aie compris toutes les références mythologiques que ce texte comporte, mais une chose est sûre, la Beauté en est incontestable . – Michel Carlier
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Comme une mélopée africaine, une incantation pour que meure la Bête… deux voix se parlent, murmurent, tremblent ensemble ou expliquent. Celle d’Ismaëlle, jeune fille qui porte la vie en elle mais aussi la mort, la mort de sa propre mère, à l’heure de sa naissance, comme si elle avait tué celle qui l’engendra. Et la mort de son père, le Pêcheur, parti sur les eaux du Lac Léman et qui n’en est pas revenu.
Lui répond la voix d’Ézéchiel, le fils de l’Ogre, qui vit de l’autre côté du lac, en Suisse, et qu’elle va rejoindre dans la barque du père, chaque soir. Ezéchiel, jeune héros noir, impressionnant de force physique et de solidité mentale mais abîmé lui aussi par une histoire familiale insoutenable. Il est le fils de l’Ogre, synthèse des dictateurs africains. L’image se dessine d’un tyran au chapeau en peau de léopard, sur les bords du lac Victoria, ou dans la ville de Goma. Mobutu, République démocratique du Congo, Kabila et Bokassa en RCA et les autres dictateurs africains font aussi partie de la lourde ascendance symbolique d’Ézéchiel.
Comme s’il portait en lui le poids de toutes les horreurs faites aux hommes, des mots d’allemand viennent se glisser parmi les lignes avec les marques du nazisme. L’horreur n’a ni patrie ni couleur de peau.
Il y a danger à lire ce livre, danger de fascination devant la force des images évoquées qui vous feront rager si, comme moi, vous ne savez tenir ni un crayon ni un pinceau, tant est fort le désir de porter sur le papier la magie des images. Danger de vous métamorphoser subitement en slameur, en rappeur, tant est fort le désir, après avoir lu à voix haute, d’y mettre le phrasé d’un Grand Corps malade – pour ne citer que lui. Alors que, septuagénaire et ex-prof de lettres vous vous pensiez aux antipodes de cette technique, définitivement marquée par l’alexandrin.
Mais le rythme s’impose, la phrase se scande, les images se répondent, les rimes intérieures sont évidentes. Il ne manquerait plus que, dans un prochain roman, Vincent Villemot me convertisse au langage SMS…
Et puis, il y a le fond. Cette dénonciation de la Puissance de la finance (en anglais : Mammon, le nom de la Bête qui se tapit sous l’onde glauque), de la cupidité jamais assouvie (Greed, en anglais), cause de tous ces cadavres qui remontent de la vase jaune du fond du lac Léman, rejetés des coffres secrets, rejets de tout ce qui fait l’humanité et qui vient créer le doute chez l’athlète africain : suis-je un Homme, un Ogre, moi l’enfant des monstres ? Question que se pose Ézéchiel, le Héros noir, envoûté par la si pure et si passionnée Ismaëlle.
Il y a là une profondeur de réflexion, servie par une capacité extraordinaire à dire, à suggérer, à émouvoir.
Un livre dont ne sort pas indemne, qu’on a juste envie de cacher pour le ressortir plus tard et, encore et encore, succomber à son charme.
Michel, un autre lecteur des 68 premières fois, m’avait écrit qu’il s’attendait à ce que ce livre me plaise et me secoue, comme ce fut le cas pour lui. Bien vu Michel ! Et merci de ta si jolie carte. – Evelyne Grandigneaux
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Mais quel est donc cet O.V.N.I. littéraire?
Je connaissais la plume certes envoûtante mais efficace de Vincent Villeminot par le biais de ses écrits pour la jeunesse (Ah! Magnifique « U4 – Stéphane »!), or, ici, je n’ai trouvé que récit éthéré, évanescent au point d’en devenir incompréhensible!
Pourtant, le début était prometteur : une jeune fille, Ismaëlle, se retrouve seule, après la disparition de son père sur le lac Léman. Sa mère ayant succombé lors de sa naissance, elle va devoir subvenir seule à ses moyens à l’aide de la barque paternelle. Sauf qu’à dix-sept ans, la jeune fille a d’autres préoccupations, dont la découverte de sa sexualité… La plume est alors poétique, mais le récit ancre les faits dans l’histoire d’Ismaëlle avec clarté.
Puis voilà que surgit un monstre mythologique, Mammon, qui représente l’avidité. Et puis c’est un homme noir, Ezéchiel, qui apparaît. Et c’est alors que le récit se brouille entre fantasmes de parricide, d’homme tueur de crocodiles et autres monstres. L’écriture s’emballe entre les exclamations du rire sardonique d’Ezéchiel (comme ces « Haw ! Haw ! Haw ! » m’ont agacée !) et récit onirique. Personnellement, je n’ai presque plus rien compris et mon jugement sur ce livre en a, forcément, pris une tournure négative. – Valérie Lacaille
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Parler de « Fais de moi la colère » est narrer ses émotions, exprimer ce qui ne s’exprime pas mais se ressent au plus profond de soi, secoue, fait ressurgir de multiples images et conflits, amours et douceurs, désirs et beautés sauvages quasi primaires. C’est indéniablement un roman qui se vit dans sa chair, ses entrailles, engloutit et relève, farfouille et donne à apercevoir la folie humaine, la quête des sens, de l’humanité.
Il nous happe, nous emporte loin des rivages, de nos rivages, vers des fosses inexplorées, là où la bête, la sauvagerie, sommeille en nous, en l’homme. Il est un Léviathan, un monstre marin dont on ne connait la tête, sa monstruosité et qui surgit des enfers, se révoltant contre l’homme et sa quête absolue de convoiter les biens, l’orgueil.

« Sommes-nous tous ainsi, habités par des monstres ?
Sommes-nous encore des hommes et des femmes ?
Sommes nous pires que cela ou simplement cela ? »

Mais ce qui fait la force et l’attractivité insondable de ce roman, est la beauté de l’écriture, ce tour de poésie qui marque chaque page, donne cette envie d’écrire chaque phrase dans un carnet et de le refermer pour le relire quelques temps après, voir ressurgir la tendresse qui se glisse entre les mots, l’amour et la douceur, le feu et l’eau, la sauvagerie et la délicatesse.
C’est une insatiable narration, un mythe moderne emplit d’une poésie qui ne dit pas mais se lit, se relit, se glisse dans les méandres d’un chuchotement et éclabousse, explose par sa prose, sa langue, ses éclats. Vincent Villeminot ose où personne ne s’aventure, où personne n’ose glisser et donner du sens, un sens.
Il y a du sublime, un lyrisme fulgurant, une ode à ce quelque chose que l’on n’arrive pas à nommer et qui hante longtemps la lecture. Il y a comme un univers empli de merveilleux, de chimères, de monstres humains, une colère? un désir gonflant les entrailles, donnant la vie.

Fais de moi la colère… Un roman qui me hantera longtemps, qui restera ce quelque chose dont on ne sait écrire, parler, nommer mais qui se lit, se vit par tous ses sens, se ressent comme on peut ressentir cette colère impérieuse, nécessaire qui redonne vie. Un roman qui ne peut laisser insensible, qui fait qu’on s’y noie et/ou on réapprend à affronter la vie, ses désirs, sa révolte et sa douceur, son amour.

Un roman comme un baptême, une renaissance, une révélation.
Un roman vénéneux comme peut l’être la vie.  – Sabine Faulmeyer (Le petit carré jaune)

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Ismaëlle n’a jamais connu sa mère, morte en la mettant au monde. Elle grandit dans une cité lacustre avec son père, pêcheur, qui le soir lui lit Moby Dick. Un jour, les gendarmes viennent la chercher au collège, la barque de son père a été retrouvée dérivant vide sur le lac. Se retrouvant orpheline à 16 ans, elle décide de quitter l’école pour reprendre le bateau de son père et s’initie à la pêche, aux filets à remonter, à la difficulté de ce métier et à la sexualité. D’abord observée par les autres, elle est peu à peu acceptée. Mais un jour se sont des dizaines de corps que l’on retrouve flottant sur le lac, puis des centaines. Personne ne sait qui ils sont ni d’où ils viennent. Chaque jour ramène son lot de corps à la surface. Au même moment, plus haut sur la colline, s’installe dans l’ancien palais d’un dictateur africain, le fils de celui que l’on surnomme l’Ogre. Ancien enfant soldat, Ezechiel est géant et sa peau est sombre. Se noue alors entre Ismaëlle et lui un lien indéfectible, mélange de sagesse et de tristesse. Un jour, Ezechiel demande à Ismaëlle de le conduire sur le lac afin d’y tuer la bête qui y sommeille, Mammon. Vincent Villeminot nous offre un texte initiatique, métaphorique au doux parfum mythologique. Malgré une écriture poétique, ce roman n’a pas trouvé écho en moi et j’ai eu du mal à comprendre où l’auteur cherchait à nous emmener. – Amélie Descroix

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Original, par son style télescopé, haché (j’ai pensé à des notes jetées sur un carnet en vue d’un prochain récit, avec parfois de belles fulgurances, des réflexions touchantes), suscitant la curiosité avec une histoire mystérieuse, qui donne envie de poursuivre la lecture, un thème intéressant, la colère qui définit certains êtres, profondément enfouie en eux. J’ai deviné des parallèles entre la mère absente et un lac omniprésent aux allures de mer intérieure, d’où jaillit monstre et cadavres. Et puis … Et puis tout s’est mélangé, les dictatures africaines et leurs massacres, la cupidité des hommes, l’hypocrisie des nations capitalistes, les rêves de rédemption … Je suis restée sur ma faim, la vase a envahie le lac, troublant les eaux et m’empêchant de comprendre la fin de l’histoire et la finalité du récit.
Il doit y avoir des clés qu’un lecteur non averti, comme moi, ne possède pas, des allégories et des métaphores que je n’ai pas su interpréter. – Adèle Binks
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Comment poser des mots sur le sublime ? Comment ne pas être fade face à la puissance de ce texte ? Le titre déjà évoque tant de choses et résonne chaque jour en moi.

La colère et le désir (n’est-ce pas là les deux facettes d’une même émotion et du même sentiment ?) sont sublimés par une langue magnifique et puissante, qui ne peut laisser le lecteur sur le quai.

Ce roman emporte et submerge. Même à la deuxième lecture, il se révèle encore. On voudrait le scander ou le murmurer. On aimerait qu’on nous le raconte, comme ces contes qui empêchent de dormir tant ils sont forts.

Le monstre, servi par une langue éblouissante qui le rend encore plus violent et plus présent, bouscule sauvagement, il percute et éveille les consciences.

Ismaelle, Ezechiel. On y croisera Moby Dick et ce qu’il dit des hommes et de la fureur, du monstre qui nous dépasse et que pourtant nous nourrissons.

Je ne trouve pas la distance suffisante pour porter ce texte, j’espère juste qu’il saura rencontrer ses lecteurs. Il est exigeant et sort des chemins tracés, il est inoubliable par ce qu’il provoque. Vincent Villeminot se saisit du monde et nous le livre avec une langue nouvelle et originale, qui embrasse les mots comme les êtres pour les porter plus haut.

Ce roman est une merveille.

La force du langage peut tout, tout dire et tout montrer. Sommes-nous prêts à l’entendre ? – Charlotte Milandri (L’insatiable)

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Ismaëlle, jeune fille orpheline de mère morte en la mettant au monde et un père pêcheur, noyé dans le lac Léman, qui décide de suivre les pas de son géniteur . Elle rencontrera Ezéchiel, fils d’un dictateur Ougandais au moment où des cadavres affluent quotidiennement sur le lac . A eux deux, ils vont vivre intensément un rite initiatique.
Que dire de ce roman qui ne se raconte pas , qui se lit, qui se vit , qui nous prend aux tripes, qui nous nous dévore comme les monstres de cette histoire.
Que de poésie dans ces pages, dans ces métaphores, dans cette écriture qui nous font penser aux plus grandes légendes, aux plus grands textes sacrés, mais aussi par sa musicalité, aux grands opéras romantiques.
Un livre rare avec une langue inventée, qui à chaque relecture nous fera découvrir d’autres secrets. – Philippe Hatry
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Ismaëlle, Ezéchiel.

Histoire lue dans un souffle.

Vincent Villeminot écrit aussi pour les adolescents et je vois très bien comment il peut les attraper dans les filets de son écriture.

Quand j’ai refermé ce livre, cette lecture m’a fait retourner vers mon adolescence et à la lecture exaltée des « Nourritures terrestres » de Gide et de son personnage Nathanaël.

Voilà une écriture exaltée mêlée à du fantastique, cette bête énorme, mangeuse de cadavres, tapie au fond du Lac Léman que les deux héros vont aller chasser sur leur petit bateau plusieurs jours de suite. Le portrait d’Ezéchiel, africain, offre une image extravagante du diable auprès de cette population autochtone.

J’ai apprécié le personnage de cette jeune fille de 17 ans, Ismaëlle qui prend sa vie en main au décès de son père en reprenant son travail de pêcheur sur le lac. Elle affronte comme son père la Solitude.

Ce livre est une aventure à vivre. J’ai beaucoup aimé ce style d’écriture qui vous emmène dans un tourbillon : des petits moments de prose essentiel, des textes plus longs où on se retrouve dans l’histoire et l’action, les monologues intérieurs des personnages, des dialogues, des phrases courtes. Tout cela crée un rythme qui nous fait varier les moments de lecture. – Chantal Guérinot (Voyage au bout de mes livres)

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Un livre atypique, hors du commun, que j’ai lu jusqu’au bout. Un bon début prometteur et puis…il y a eu tous ces morts qui remontaient du fond du lac, un africain dont le père est un ogre responsable de génocides, et la bête mystérieuse Mammon…et voilà je n’ai plus rien compris, j’étais dans la brume du lac !! Trop de métaphores, je n’ai pas adhéré, peut-être par manque de référence mythologiques.
Dommage car j’ai trouvé le style léger et poétique, les chapitres aérés.
Je pense que ce livre n’était pas pour moi et ne m’a apporté aucune émotion. – Joëlle Radisson
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Ce n’est pas un roman, c’est un exercice littéraire autour de plusieurs thèmes : l’eau, la mort, le désir sexuel, l’argent sale.
C’est assez morbide à cause de ces morts qui remontent à la surface du lac et de cette bête immonde qui vit dans ce même lac.
C’est le désarroi d’une jeune fille qui se retrouve orpheline et cherche à être aimée.
C’est le fils de l’ogre, personnage mystérieux aux pouvoirs étranges, dont la jeune fille aimerait tant être aimée.
C’est tout cela ce livre, qui, heureusement, est présenté dans une mise en page très aérée et sur du papier épais. Ce qui fait que les pages se tournent vite ! Je ne suis pas assez experte de la valeur littéraire d’une œuvre pour avoir été convaincue. – Marie-Hélène Fuchy-poirson
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Tous deux sont nés dans le sang. Non pas celui d’une naissance que l’on affronte comme un passage, mais comme un combat. Leurs dents invisibles, leurs membres, leurs corps ont déchiré le ventre de leur mère. L’un est le fils d’un dictateur africain, l’autre fille d’un pêcheur. L’un est noir, l’autre est blanche. Les deux reflets d’une même pièce. Ismaëlle arrive, avec sa joie de femme, son envie de remplir son ventre, d’amour, d’autres choses, ses appétits, ses désirs qui la dévorent. Ezéchiel cherche une échappatoire, une Bête mystique, Mammon, le greed, allégorie fantasmée d’un pêché originel et perpétuel. Tous deux se lancent à sa poursuite, dans leur ventre, dans leur chair, dans l’eau du Lac Léman, dans les lumières de la ville. Ils se racontent, se complètent, s’acharnent. Ils se soignent aussi.
Il y a dans leur récit comme une poésie, un conte antique, une épopée extraordinaire contre des léviathans, des monstres marins qui n’en sont pas, des créatures qui dévorent. Partout autour des centaines de cadavres. Le Lac Léman comme un miroir de l’océan du monde, brumeux, ensanglanté, et toujours cette créature, métaphorique, immense, capable de les engloutir tout entier. Moby Dick revisité, Vincent Villeminot nous livre un récit hanté, parfaitement maîtrisé, à l’écriture difficile et singulière.

Ils sont deux. Deux à parler. D’abord Ismaëlle, qui se découvre et se redécouvre, elle et son « père-mort », elle et sa « mère-absence », femme, corps, sorcière. Désir. Mais femme d’abord. Avant tout. Qui voit les flammes danser dans le palais aux courants d’air et qui s’y rend avec tout son courage pour y rencontrer « l’Ogre », le « Nègre ». Elle m’a semblé plus proche, moins irréelle, un personnage à incarner, à contempler. Petit à petit leurs voix se mêlent, monologues ou dialogues, et à ses bonheurs fugaces, à sa joie presque enfantine, se lient la noirceur, les batailles et les guerres d’Ezéchiel. Matricide. Enfant-roi. Enfant-bâtard. Qui éventre les crocodiles dans les fosses, qui tient les manteaux des femmes que son père prend, dévore de l’intérieur, dans lesquels ils s’épand de tout son saoul jusqu’à les briser, qui devient le « Héros Nègre », qui a tué des démons et qui cherche à tuer le Monstre. A travers sa voix, à lui, se révèle un univers plus sombre, plus dangereux, plus concret aussi. Pour autant son langage se fait plus compliqué, plus métaphorique encore, et l’on doit chercher, encore et toujours les symboles et leurs sens.

Les symboles. Ce roman en est pétri. Rien que par sa bête, Mammon : la richesse matérielle dans le Nouveau Testament, le Veau d’or dans la Torah, l’avarice dans la religion catholique. Cette avidité, ce greed qui nous ronge, nous laboure le ventre. Mais aussi par beaucoup d’autre. L’amour se fait euphorie, le Lac Léman s’est transformé, le Palais des Courants d’air pillé, les banques, la neige… Tout fait sens et il faut parfois chercher, longtemps, pour comprendre. Ou pas. Se laisser porter par les sons, les mots, les phrases, qui sont parfois d’une beauté à couper le souffle. Une poésie.

Je ne dirais pas que sa lecture fut facile. En cela il est sans doute d’ailleurs difficile pour moi de parler de ce roman, pas sûre d’en avoir compris tous les sens, pas sûre d’en avoir envie non plus. Il faut parfois se laisser porter et c’est ce que j’ai fait. Beaucoup seront réfractaires à cette lecture et je les comprends tout à fait, mais si vous lui laissez une chance de vous emporter, peut-être, alors, pourrez vous voir la magie de sa prose. – Enora Pagnoux (Les dream-dream d’une bouquineuse)

 

 

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