Des hommes couleur de ciel – Anaïs Llobet

“Il n’y a pas de terme tchétchène pour dire ce qu’il est. On a importé « gay » de l’anglais, et « golouboï » du russe, qui signifie « bleu ciel ». Il y a aussi les insultes qui ont contaminé leur langue : « pederast », « pedik ». Un soir, à la télévision, lorsqu’il avait cinq ou six ans, des hommes déguisés dansaient sur des chars décorés de banderoles, en France. Voici le défilé parisien des « stigal basakh vol nakh », des hommes couleur de ciel, avait dit le présentateur. Oumar avait regardé par la fenêtre : le ciel était gris”.

Des hommes couleur de ciel

Un coup de coeur!
La Haye, aux Pays-Bas. Alissa est une professeure de russe dans un lycée, d’origine tchétchène, mais elle se fait passer pour Russe pour favoriser son intégration. Ce lycée vient de connaitre une tragédie, une bombe vient d’exploser dans la cantine à l’heure du déjeuner et a fait plusieurs victimes parmi les élèves et le personnel. Il semblerait que ce soit un élève du lycée, lui-même d’origine tchétchène qui ait commis cet attentat. C’est la sidération, le choc, pour ce lycée et pour toute une ville, et bien sûr pour Alissa qui n’était pas ce jour-là au lycée mais qui subit la nouvelle comme les autres.
De son côté, Oumar, le frère de Kirem, le terroriste présumé, reçoit également la nouvelle et se doute très vite que son petit frère est impliqué dans cette tragédie. Oumar a été un élève plutôt brillant, qui a passé son bac et a des ambitions dans la vie. Plutôt bien intégré dans son pays d’accueil, il a envie de réussir. Il dispose d’un alibi pour l’attentat puisqu’il se trouvait dans un café en compagnie d’un autre jeune homme avec qui il avait rendez-vous. A son arrivée aux Pays-Bas quelques années plus tôt, après avoir fui la guerre en Tchétchénie, Oumar a découvert un pays où on était libre, avec le droit d’être heureux, et a pu s’exprimer et s’épanouir. Aux Pays-Bas, Oumar est devenu Adam.
Le terrorisme, comment il se produit, quels sentiments et quelles conséquences à l’échelle d’un établissement scolaire, d’une ville mais aussi d’individus pour lesquels résonne leur propre histoire.
L’exil, de ces vies qui basculent, de ces destins redéfinis dans un contexte de guerre qu’on fuit. La difficulté d’arriver dans le pays d’origine, à s’intégrer sans renier ses origines, à trouver sa place, se forger une identité. Et plus précisément ici l’histoire de la Tchétchénie, qui nous parait à la fois si loin et si proche, son conflit avec les Russes qui a marqué tout un peuple. Et l’homosexualité qui est aujourd’hui encore tragiquement réprimée dans ce pays, au sein même des familles, dont l’ampleur du phénomène est sous-estimée par nos sociétés.
Le récit est très bien mené, les personnages très bien travaillés. On en apprend au fur et à mesure sur leur histoire, comment chacun en est arrivé à ce qu’il est aujourd’hui, au moment où se situe l’intrigue. L’auteure a vécu en Tchétchénie, elle sait de quoi elle parle, et aborde des sujets on ne peut plus d’actualité. C’est poignant, c’est sidérant. Un coup de cœur. – Anne Dionnet
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Douloureuse frontière
Tout au long de cette lecture, ce texte sensible m’a fait naviguer sur la crête des frontières, ces lignes périlleuses et fragiles qui devraient fixer des limites entre deux mondes, deux sensibilités, deux fonctions, deux rêves. Cette frontière entre le mal et le bien. J’ai partagé avec beaucoup d’émotion les affres de l’émigration, entre déceptions et rêves, les hésitations d’Alissa-Alice, l’enseignante qui cache sa Tchéchénie natale sous une appartenance russe, qui hésite entre confiance et défiance pour son élève lumineux préféré, et son aîné ombrageux, le dévouement aveugle de Taïssa, mère-rempart qui a pour mission impossible de protéger ces fils contre le déshonneur et compris contre eux-mêmes, ces héros faux jumeaux Adam-Oumar/Kirem. Rien n’est stable ni certain, tout est duel dans ce roman envoûtant, le sens du devoir et du pouvoir, l’hétérosexualité rassurante et l’homosexualité coupable, la fidélité et la manipulation, sauf l’attentat meurtrier qui n’est que nuisance et horreur. Ce texte est une réussite, l’écriture est habile, intime, fluide, juste, prudente et intrigante. La dédicace finale de l’auteur à des témoins obligatoirement anonymes est bouleversant. Je me sens proche d’un coup de cœur. Merci pour cette lecture. – Martine Magnin
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« Wahou ! », c’est ce qui m’est venu à l’esprit en découvrant la splendide couverture Des hommes couleur de ciel, et « Wahou ! », c’est ce qui s’est échappé de mes lèvres après l’avoir lu…
Anaïs Llobet , journaliste ayant travaillé et séjourné en Russie et Tchétchénie, écrit là un roman qui frappe juste et fort, pile où ça fait mal, dans ce territoire encore un peu flou de l’inconscient collectif où s’agglomèrent de terrifiants souvenirs, de ceux qui jalonnent l’Histoire au fer rouge, rouge sang, rouge honte, rouge colère. Elle nous invite à suivre, avec délicatesse et humanité ces fils ténus, ces fins ruisselets souterrains qui, avant d’exploser en bruyantes et dangereuses cataractes, trouvent leur source dans une terre âpre, labourée d’une histoire violente. Elle se lance un défi terrible, qu’elle relève avec élégance, finesse et sensibilité : ne pas excuser l’inexcusable, ne pas expliquer l’inexplicable, mais donner des pistes, des clefs, pour tenter de comprendre le chemin vers l’incompréhensible.
On le sait, dans chaque famille, l’enfer est pavé de non-dits, damés, génération après génération, du poids des traditions et des obligations. La grande famille humaine n’échappe pas à la règle et il est certaines surfaces du globe où ce poids compte triple, entravant les pas de celui qui veut fuir. On aura beau déguiser son corps, son nom, ses mots, ses gestes, être né quelque part ne laisse, quelques fois, que fort peu de place au hasard, surtout si c’est sur cette parcelle de terre où tous les vestiges de la tragédie classique semblent avoir trouvé refuge : haine fratricide, amours impossibles, honneur chatouilleux, famille tentaculaire. L’exil ne guérit rien, il diffuse ; le silence ne gomme pas, il ronge. Et la douleur individuelle devient drame collectif.
Le ciel de ces hommes-là est bien lourd et l’on pleure devant ces vies gâchées, mais l’on ne peut qu’applaudir à ce très beau roman qui jette une lumière crue sur une douloureuse actualité. – Magali Bertrand
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La Haye, une bombe explose en plein cœur d’un lycée tuant des enfants et des professeurs.
Ce n’est pas possible de s’attaquer à des enfants, c’est une vraie horreur et un choc pour les Pays-Bas, un pays qui prône la paix.
La police s’intéresse à deux frères Tchétchènes. Adam ou Oumar qui s’est pratiquement intégré à ce nouveau pays et ses traditions qui est d’un caractère enjoué et gai, mais qui se trouvait sur les lieux au moment de l’explosion. Tandis que son frère est taciturne et s’habille toujours en noir, n’a pas renier son pays et ne s’est jamais adapté, mais on ne sait pas où il se trouve.
A ces deux destins vient se mêler celui de Alissa ou Alice, professeur de russe de ce lycée qui a eu les deux frères dans ses cours. Elle va donc se trouver mêler à l’enquête pour aider les policiers en servant de traductrice, elle qui se veut discrète.
Elle trahira les siens et aura du mal à l’accepter. Pendant, ces dix dernières années, elle a tout fait pour s’intégrer dans ce nouveau pays. Tout volera en éclat, suite à cet attentat.
Ce livre parle d’intégration, de déracinement, d’oublier ses origines et pour y arriver faire des efforts chaque jour. D’autre part, il y a ceux qui n’ont pas envie de s’acclimater et se fondre dans la masse, qui sont en quête d’identité.
Alice et Adam sont des personnages sympathiques. Avec ce récit, on en apprend plus sur les atrocités et les persécutions dont sont victimes les tchétchènes par les russes ainsi que sur leurs lois ancestrales et leurs conséquences.
Ce livre est écrit dans un style clair et dont les pages se tournent touts seules. Un roman qui ne peut pas laisser indifférent. – Hélène Grenier
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« Des hommes couleur de ciel », c’est l’aventure des mots. Ces mots qui tour à tour nous font voyager, rêver, aimer. Ces mêmes mots qui nous font pleurer, hésiter, douter … Alice/Alissa, Oumar/Adam. Tous deux les utilisent, les manient, jouent avec eux, aussi … Ces mots leur permettent d’aimer. Elle, son métier, ses élèves. Lui, la vie et les hommes … Oumar, est depuis tout petit obsédé par ces mots puisqu’ « il n’y a pas de terme tchéchène pour dire ce qu’il est […] ». Il comprend à l’âge de cinq six ans, ce que signifie stigal basakh vol nakh … Des hommes couleurs de ciel Pourtant, ce jour-là, en Tchétchénie, en regardant par la fenêtre, le ciel était gris
Alors Oumar devient Adam, dans un autre pays, dans une autre vie … Il s’intègre petit à petit et se résigne aussi.
Alissa, quant-à elle, se cache derrière les mots russes, pour être acceptée, pour être aimée. Elle devient Alice. Et puis par un beau jour d’été à La Haye, c’est le chaos. Plus de mots. Ils se sont enfuis pour laisser place aux cris, aux larmes, aux bruits et à la nuit … L’impensable s’est produit … Il ne leur reste plus rien ou presque … Alice n’a pas vu les mots de Kirem, le frère d’Oumar. Alice n’a pas vu les maux de son âme torturée et elle redevient Alissa.
Adam n’a pas voulu trahir son frère, sa patrie. Il s’est résigné aux « non-dits » de son pays. Il reste en vie et redevient Oumar. Pourtant, cette vie a un prix et par les fenêtres de sa cellule, le ciel n’a jamais été aussi gris. – Virginie Braud-Kaczorowski
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Alissa enseigne le russe dans un lycée de La Haye. Afin de parfaire son intégration, elle a tu ses origines tchétchènes. Un attentat a lieu dans son établissement, qui fait 24 victimes : Kirem, l’un de ses élèves, Tchétchène lui aussi, un adolescent renfermé et hostile, est suspecté, ainsi que son frère Oumar. Le roman alterne les chapitres mettant en scène Alice-Alissa, qui porte ses origines comme un fardeau dont elle voudrait tant se défaire, d’Oumar qui sous le nom d’Adam parvient à vivre son homosexualité, malgré le risque d’être découvert, banni et probablement tué par les siens qui ne lui pardonneraient pas d’avoir ainsi sali la famille. Il donne aussi voix à Alex, qui a rencontré si brièvement Adam, et ne peut croire que le beau jeune homme au regard doux soit le responsable de la barbarie dont on l’accuse, et à Kirem, à travers les rédactions écrites en tchétchènes qu’il rend à sa professeure. Ce roman polyphonique, d’un réalisme glaçant, évoque le problème du déracinement, et la difficile intégration dans la société occidentale. S’intégrer, est-ce renoncer à son identité ? Renier son passé ? A travers le personnage d’Adam-Oumar, il traite aussi de la force des préjugés : si l’homophobie n’est pas de mise en Hollande, elle sévit encore durement dans la communauté d’Oumar, considérée comme une perversion occidentale passible de mort, au point qu’il doive lui sacrifier sa liberté. Ces problématiques, ainsi que celle de la guerre et de l’endoctrinement, font de ce roman un reflet très juste et inquiétant de notre société multiculturelle contemporaine. – Emmanuelle Bastien
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Voilà le souci avec les livres dont on attend trop : on leur demande beaucoup… D’autant plus quand le sujet est aussi passionnant que brûlant. Le coup de cœur attendu n’est donc pas venu et j’en suis bien malheureuse. Que m’a-t-il manqué dans ce livre qui avait pourtant tout pour me séduire ? Un peu plus de profondeur dans les sentiments (on sent dans l’écriture que l’auteure est journaliste, enfin je crois ;o), un peu plus d’approfondissement dans les personnages principaux quels qu’ils soient. L’atrocité de l’attentat n’est pas suffisamment  » exploité » ou manifeste , tout comme le passé des personnages. L’auteure s’est attachée à la crédibilité de son récit en justifiant, expliquant en détails mais il me semble qu’en cela, elle a laissé l’émotion passer au 2e plan. J’ai trouvé cela un peu froid (cris d’orfraies dans les rangs !)
Certains passages de ce roman m’ont touchée cependant mais…
Je dirais DOMMAGE mais je sais que ce livre plait beaucoup par ailleurs donc tant pis pour moi… – Laurence Simao
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C’est un roman de douleurs et de secrets vitaux. un roman dans lequel les personnages usent de multiples masques, pour survivre tout simplement. Un roman qui laisse une trace fulgurante et poignante. un roman qu’il faut lire absolument pour ce qu’il est, pour ce qu’il dit, pour ce qu’il nous apprend.
Un attentat meurtrier dans un lycée de La Haye et, très vite, les soupçons se focalisent sur un jeune Tchétchène. Adam ou Kirem, son jeune frère ? Le premier semble avoir un alibi indiscutable, mais refuse obstinément de parler. Kirem, lui, a disparu. Alissa, la professeure de russe, est chargée de traduire les interrogatoires d’Adam, qui fut son élève, mais aussi les rédactions que Kirem s’obstinait à écrire en tchétchène et que pour cette raison elle n’a jamais voulu lire. Mais pourquoi Adam garde-t-il le silence alors qu’il pourrait se disculper ?
C’est que rien, ni personne, n’est vraiment ce qu’il paraît être. Les identités sont brouillées pour ces exilés d’un pays, lui-même mal déterminé pour la plupart des gens. Ainsi Adam n’est Adam que dans la nuit de La Haye, lorsqu’il participe à des fêtes et fréquente clandestinement des garçons. Le reste du temps, pour sa famille surtout, il est Oumar et il sait que son homosexualité, si elle est découverte, sera synonyme de mort « pour venger l’honneur ». Une peur similaire conduit Alissa à cacher ses origines et sa religion, même à son compagnon hollandais, pour ne pas risquer d’être amalgamée à ses compatriotes religieux fanatiques.
Cette peur viscérale imprègne l’intrigue et Anaïs Llobet parvient à nous la planter au creux du ventre, comme à ses personnages se débattant dans des nasses culturelles, religieuses, linguistiques et sociales qui progressivement se referment et étouffent tout espoir, toute identité, tout libre-arbitre et toute insouciance. Son roman s’appuie sur une parfaite connaissance de la culture tchétchène, des mécanismes de la radicalisation mais aussi de l’exil et des paradoxes de l’intégration. La narration reconstitue les histoires singulières de chacun et met en perspective chaque point de vue, donnant ainsi une vision panoramique des motivations et des trajectoires, sans qu’un jugement moral vienne jamais interférer.
Et les remerciements déchirants de la fin du livre donnent à celui-ci la portée d’un témoignage et, en faisant se rejoindre réel et fiction, conduisent à la prise de conscience et à la révolte.
Oui, ce second roman d’Anaïs Llobet est, j’en suis convaincue, à lire impérativement, ne serait-ce que pour rendre hommage à tous ces hommes couleur de ciel, menacés de mort à chaque instant. – Sophie Gauthier
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Est-il possible, dans un même texte, de confronter deux mondes totalement opposés ?
Est-il possible d’inventer une trame logique et implacable, qui accompagne le lecteur vers un dénouement inévitable, en laissant aux acteurs le choix ?
Est-il possible de mettre en évidence des lois distinctes, des religions en lutte, des sexualités, dans les relations sociales autant que dans l’intimité de chaque personnage ?
Est-il possible de réfléchir sur le conflit entre la terreur et la pitié, au niveau de pays, de villes, de familles et pousser jusqu’au titre du privé comme les poupées russes ?
Est-il possible de rendre esthétique et compréhensible, par l’écriture, la condition humaine de ceux qui rêvent de s’intégrer sans retour possible vers le passé ?
Est-il possible d’envisager une histoire de notre époque, où la vitesse de l’enquête nous donne le vertige, où les sentiments de chaque protagoniste sont clairement dévoilés ?…
Avec le livre d’Anaïs Llobet tout est possible. Elle réussit l’exploit dans « Des hommes couleur de ciel » de se réapproprier la tragédie.
« Elle se haïssait de penser ainsi, moins parce qu’elle percevait l’horreur de son intolérance que les limites de son intégration. »
La construction de cette tragédie tourne autour du seul mot antinomie. La définition du Larousse colle parfaitement : contradiction entre deux idées, deux propositions, deux principes qui appellent un arbitrage.
Cette tragédie, ce livre est une merveille… Ce n’est plus une question de possibilité, c’est une évidence !  – Renaud Blunat
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Un hommage émouvant aux homosexuels persécutés.
De nos jours, aux Pays-Bas, Anaïs Llobet raconte l’histoire de deux personnes en exil dont on lit les histoires en parallèle.
A travers l’histoire d’ Oumar, obligé de changer son nom en Adam pour vivre sa véritable identité, l’auteur montre grâce à la thématique du terrorisme, à quel point la violence contre ces exilés d’eux-mêmes, pour lesquels il n’existe même pas de mot dans leur propre langue, peut les anéantir.
Car les notions d’exil et d’aliénation traversent tout le roman qui expose aussi les difficultés du quotidien d’une autre personne, Alissa, qui a elle aussi changé son prénom pour ne pas avoir à expliquer qu’elle est Tchétchène. Elle est condamné à vivre son identité en cachette, mentant à ses proches et surtout à elle-même.
Et si l’auteur dénonce la violence et l’intolérance de certains pays comme de certains individus, elle interroge également la naïveté et la responsabilité des Occidentaux qui sont incapables de prendre la mesure de cette violence.
Une très belle lecture, agréable, facile et addictive. Peut-être un peu trop pédagogique mais la situation de ces jeunes gens est tellement révoltante que « ça ne peut pas faire de mal ».
Et enfin, il faut souligner la présence d’une dédicace absolument terrible à la fin du roman. Anaïs Llobet vient ébranler le lecteur dans son cocon douillet : elle a une pensée pour O., S., Kh., et R. que nous aussi nous aimerions serrer dans nos bras. – Claire Breton
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C’est avec une écriture et une construction sans fausse note, qu’Anaïs Llobet nous raconte l’exil, l’identité, une condamnation, un attentat, une enquête, des culpabilités, l’homosexualité, le terrorisme, les persécutions, le poids de la culture, de la famille, les règles ancestrales, la Tchétchénie, l’honneur.
L’auteur parvient à traduire trois personnages, trois fatalités, à travers une intrigue déroulée tout en crescendo.
Il a été impossible pour moi de poser ce livre avant d’avoir lu les derniers mots.
Gros coup de CŒUR!!!! – Alexandra Lahcène
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Puissant, magnétique, sociétal, ce roman plausible est un ciel zébré d’éclairs. « Un homme couleur de ciel » Un voile déchiré en pleine nuit tourmentée. Ecrit avec brio, souplesse, paré d’un style clair, aérien, un drame va advenir subrepticement. Ces lignes modernes sont un cri à la face du monde. Deux jeunes adultes Tchéchènes Oumar et Kirem se ressemblant métaphoriquement ont l’apparence floutée par les diktats religieux, politiques, éducatifs de leur pays d’origine. Oumar a réussi à trouver sa voie en France. Installé sur le fronton de La République, il étudie, aime en secret les garçons. Alissa sa jeune professeur à peine plus âgée que lui est Tchéchène également mais le cache à tous. A contrario elle se prétend Russe. Ce qui sous-tend l’embrigadement de ce dernier sur sa pensée et un faux conformisme. De ce fait, cette dernière a une relation des plus ambiguë avec Oumar. Kirem est une bombe à retardement. Lisse, secret, révolté il va servir de bouc émissaire à Makhmoud leur cousin. Les évènements montent crescendo. Oumar va se trouver piégé. (Ne rien dire d’autre). La force langagière est à son summum. L’idiosyncrasie Tchéchène étend sa toile dans cette teneur digne d’un roman noir. L’habileté de l’auteure Anaïs Llobet, sa maîtrise parfaite des personnages renforce la contemporanéité en ouragan dévastateur. Qui est Oumar ? Kirem ? Alissa ? Le reflet de ce pays dévasté par les oppressions, les injustices, les brimades et violences faites aux homosexuels ont enclenché l’ultime recours. Oumar, homosexuel paiera le prix fort, tel le Rocher de Sisyphe en tragédie annoncée. Majeur, empreint d’une manichéenne posture, d’une beauté verbale à couper le souffle, ce roman est un sanglot. Un doigt pointé sur la souffrance des homosexuels Tchéchènes où l’issue n’est que leur propre mort ou l’amour caché en écoute trop lourde d’une ombre intolérante derrière la porte. Ce roman est né dans un antre littéraire magnifié, à savoir La Villa Marguerite Yourcenar, résidence littéraire. Anaïs Llobet a puisé dans ce puits de lumière des mots forts alloués à la Cause Tchéchène tout en gardant la distance nécessaire pour faire de l’encre un reportage explicite.  – Evelyne Leraut
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« Les premières impressions sont toujours les bonnes », je dois dire que ce roman me prouve le contraire. J’avais une crainte de passer à côté, le thème du « terrorisme » étant de plus en plus présent, beaucoup trop vu, trop lu. Mais l’autrice nous embarque dans un voyage, entre la Tchétchénie et le Pays-Bas, la guerre et la paix, l’horreur et la honte.
De nombreux thèmes sont abordés dans ce roman : l’identité à travers plusieurs prismes personnifiés par Oumar, Adam, Alice/Alissa ou encore Kirem. Comment se reconstruire après avoir vécu l’enfer de la guerre ? Sommes-nous toujours la même personne ? Faut-il se créer une nouvelle identité ? Comment s’intégrer dans un nouvel environnement si loin de son pays ? Quel est le poids de ses racines, de ses coutumes dans nos actions de tous les jours ?
Mais également une description de l’horreur de la guerre et du terrorisme et de leurs impacts sur la société mais également sur les personnes qui le vivent de près.
La rédaction qui nous donne l’impression d’être dans un polar et de suivre l’enquête pas à pas ne fait que rajouter à la qualité de ce roman.
Une lecture dense mais facile et appréciable. Bref en définitive vraie belle découverte et un vrai bon moment de lecture. Coup de cœur. – Ana Pires
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Depuis qu’elle a quitté la Tchétchénie, Alissa Zoubaïeva fait tout pour s’intégrer dans son nouveau pays, les Pays-Bas. Elle en a obtenu la nationalité et se présente comme d’origine russe à tous ceux qui lui demandent d’où elle vient. Même si elle se sent bien, elle reste sur ses gardes : elle a fui son passé et ne veut pas qu’on la rapproche de ce petit territoire du Caucase connu pour sa violence et ravagé par la guerre. Lorsqu’un attentatest commis dans le lycée où elle enseigne, à La Haye, son monde vole en éclat : non seulement c’est l’un de ses élèves qui est soupçonné, mais en plus il est Tchétchène.
Prête à collaborer avec la police pour aider à l’enquête, Alissa doit assurer les traductions. La voilà soudain obligée de parler de nouveau cette langue qu’elle voulait oublier. Mais ce qui la trouble le plus, c’est la dynamique de l’attentat. Kirem était-il seul ? Est-ce possible qu’Oumar ait été impliqué ? Les deux frères ne se ressemblaient en rien : le cadet était renfermé et distant, l’aîné intégré et sociable. Elle ne l’imagine pas un instant capable d’un tel acte. Que s’est-il vraiment passé ?
Anaïs Llobet varie les points de vue tout au long de ce roman captivant, révélant les dynamiques personnelles qui entourent un seul et même événement : un attentat. On découvre le parcours de Kirem, le principal suspect, et ce qui l’a poussé vers le fondamentalisme, celui d’Oumar, qui aurait aimé vivre sa vie aux Pays-Bas mais qui sait bien qu’il ne peut pas couper les liens avec son pays d’origine, dans lequel il n’y a même pas de mot pour parler des homosexuels, et celui d’Alissa, qui pensait avoir réussi son intégration dans une société européenne, mais réalise qu’elle sera toujours « l’autre » même aux yeux de ses proches et qu’elle n’a pas oublié sa culture d’origine.Terrorisme, fondamentalisme, exil, immigration, intégration, homosexualité, quête d’identité… Anaïs Llobet n’a pas cherché la facilité dans son second roman. Elle réussit à aborder tous ces thèmes dans un roman parfaitement maîtrisé. L’intrigue est à la fois dense et complexe : une nécessité pour aborder des thématiques aussi délicates sans tomber dans le manichéisme ou les clichés. Peu à peu happée par le récit, je n’ai finalement plus pu lâcher le livre avant d’en connaître la fin. C’est une lecture qui ne peut pas laisser indifférent et qui fait réfléchir. Lorsque j’ai tourné la dernière page, l’histoire a continué à me travailler un moment. – Claire Séjournet
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Anaïs Llobet a trouvé un angle très original pour traiter de la question des attentats en mettant en scène ces différentes «strates d’intégration». De l’enseignante qui entend gommer ses origines et répond non quand ses élèves demandent si elle est d’origine tchétchène à ceux qui ont fui le pays sans jamais oublier ni leur religion, ni leurs traditions, ni même leurs code d’honneur familial et voient l’occident comme une zone où mécréants et déviants s’épanouissent. On se rappelle alors des frères Tsarnaïev posant leur bombe durant le marathon de Boston.
Au-delà de l’explosion dans l’établissement scolaire, ce sont bien les déflagrations sur la famille et les proches que la romancière met en avant. Loin de tout manichéisme, elle nous fait toucher du doigt la complexité du problème, nous rappelle que tout exil est un déchirement et nous démontre brillamment qu’au «nom d’Allah, de l’Islam, de nos pères, de la justice et des morts à venger, des enfants qui meurent dans les caves de Tchétchénie et sous les bombes de Syrie», ou encore de «cette déviance occidentale» on peut très vite s’aveugler.
Un roman fort, en droite ligne de Les mains lâchées et qui conforme tout le talent d’Anaïs Llobet. – Henri-Charles Dahlem
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Ce matin, je viens de lire les dernières pages de “Des hommes couleur de ciel” et « oh my god » (à prononcer à la manière de Friends évidemment)
Ce livre fera forcément partie de ceux que je vais offrir cette année. Quelle claque !
Dans ce roman, on suit Oumar qui à 15 ans a fui la Tchétchénie et ses guerres incessantes et se retrouve à La Haye aux Pays-Bas. Là il peut enfin vivre, laisser parler « la faille » qui a toujours été en lui, il devient Adam et est un parfait exemple d’intégration. Malheureusement pour lui, son frère et son cousin le rejoignent quelques années plus tard. Il est le maillon faible de la famille, une honte, son homosexualité souille l’honneur de la famille.
On suit également Alissa qui a suivi le même chemin quelques années plus tôt et est professeur de russe dans le lycée où Oumar a obtenu son bac. Elle cache sa véritable nationalité et sa religion musulmane. Elle essaie autant que possible de gommer ses origines, de parler du mieux qu’elle peut le néerlandais, d’être discrète.
Mais un jour, un attentat est commis dans le lycée qui réunit Oumar et Alissa.Ce livre est un véritable coup de poing. A ce titre, il rejoint pour moi « Entre deux mondes » d’Olivier Norek et « Les passeurs de livres de Daraya » de Delphine Minoui. Il fait partie de ces livres que tout le monde devrait lire, il laisse le souffle court, la gorge serrée, le cœur qui bat. Il parle remarquablement bien du terrorisme, du choc des cultures, de l’éducation, de l’homosexualité, de l’exil, de l’intégration, la quête d’identité, le poids de la culture d’origine.
Vraiment, n’hésitez pas à le lire ! – Marie-Anne Pittala

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Construit comme un thriller, le récit est mené de main de maître. Anaïs Llobet connaît son sujet. Correspondante AFP en Russie pendant plusieurs années, elle met ses connaissances, ses compétences de journaliste au service d’un roman sublime. Elle signe un portrait de notre société sans concession, sans pitié, sans pleurs ni jugement. Elle établit le constat précis des forces en présence, dresse la liste minutieuse des difficultés d’intégration, explique le regard des autres porté sur la différence. Il y est question de géopolitique mais aussi de culture. Et si Oumar est arrivé là, dans cette ville, c’est bien parce que sa mère a vu en lui un enfant différent, un jeune homme « couleur de ciel », selon l’expression utilisée en Tchétchénie pour désigner les homosexuels. Homosexuel, caché ou mort dans ce pays… Oumar, devenu Adam, un personnage tiraillé entre deux cultures, condamné dans son pays d’origine pour aimer les hommes, condamné pour vivre, même dans son pays d’accueil, à être coupable.
La simplicité de l’écriture abordée plus haut rend la lecture aisée, sans cacher à aucun moment le sérieux, l’intensité du sujet abordé, sa profondeur. Elle traduit à merveille la peur, le questionnement sur les culpabilités, la douleur, la différence entre apparences et réalité. Elle parle d’une Tchétchénie à feu et à sang, de Pays-Bas ouverts, apparemment bienveillants, accueillants, tolérants mais… Elle n’oublie pas, pour autant, de parsemer le texte d’instants légers et poétiques nécessaires à la respiration « Un petit moineau s’était posé sur la rambarde de la fenêtre pour grignoter une miette de pain invisible. C’était possible, finalement, d’oublier. » Voilà, le temps d’un instant la vie « normale » reprend son cours…
Si la perfection existait en ce bas monde, je citerais ce livre en exemple. Je n’y ai trouvé ni temps morts, ni surcharge de détails, ni informations inutiles.
En un mot, ce roman est remarquable. – Geneviève Munier
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La nouvelle est impensable : un attentat dans un lycée. Des enfants tués. Combien ? Une bombe à l’heure du déjeuner dans un pays en paix. Voilà, c’est possible. C’est arrivé. Nous sommes à La Haye. Une ville néerlandaise. Une ville tranquille, belle, cosmopolite. Une ville contemporaine…
Alissa est professeur de russe. Le lundi, juste après le repas, elle a douze élèves assoupis. Ce lundi, quand elle arrive, c’est déjà trop tard. C’est déjà l’horreur…
Il y a trois trajectoires inscrites dans ce récit : celle d’Alissa donc et celles de deux de ses élèves, Oumar et Kirem, deux frères, deux contraires. Autant Oumar est lumineux, autant Kirem est sombre, étrange. Comment deux frères peuvent être si différents ? Dans leurs envies, dans leurs destinées, dans leurs choix posés.
« Kirem est « un enfant étrange, la copie inversée de son frère. Oumar, qu’elle avait eu en cours deux ans auparavant. Ils avaient beau se ressembler comme deux gouttes d’eau, leurs personnalités étaient diamétralement opposées. Autant son frère était solaire, affectueux, toujours prêt à participer et à distribuer les copies, autant Kirem se faisait très vite oublier, et détester. Il avait un regard coulissant, furtif. Comme des fentes d’où l’on s’apprête à tirer, même si Alissa avait vite compris qu’il préférait économiser ses forces. »
Oumar, l’ainé, est brillant. A l’inverse de Kirem. Pourtant il est comme dissonant. Différent. Il est un homme couleur de ciel.
Les trois personnages de ce roman ont un même pays d’origine qu’ils taisent. Ils sont tchétchènes. Ce roman pose la question de l’intégration dans un pays. Il aborde également le sujet du terrorisme et de la radicalisation. Du basculement aussi. Il dit surtout l’exil ou, pour le dire autrement, comment être quand on est d’ailleurs ?
C’est un roman qui peut faire peur du fait du sujet terrible. Il est pourtant toutafé formidable. Il se dévore d’un coup. Il nous tient en haleine car il est un peu construit comme un polar. Et les personnages, complexes comme j’aime, sont justes et très forts. La langue d’écriture d’Anais Llobet est précise, nette, belle et terriblement efficace. Sans pathos. J’ai beaucoup beaucoup aimé cette histoire, à la fois intime et singulière et incroyablement actuelle. Une tragédie qui dit notre monde… – Framboise Lavabo

3 commentaires sur “Des hommes couleur de ciel – Anaïs Llobet

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