« A quoi peut bien servir la beauté ? se demande-t-elle. A rien. Et cela lui met les larmes aux yeux. Elle observe le lavis du crépuscule, les feuilles pourpres de l’érable ruisseler de rosée. La beauté ne sert à rien et pourtant, elle console de quelque chose qu’on ne sait pas nommer ».

Un titre étrange, un bandeau magnifique, au dos la photo d’une ravissante jeune femme aux yeux d’or.
Surtout un texte – premier roman – éblouissant. Une absolue merveille !
Certaines écritures se savourent plus que d’autres. Les mots résonnent, la langue est belle. Maîtrisée, certes, mais surtout vibrante et sensible.
Les métaphores, originales et poétiques, apparaissent au détour d’un dialogue, une pensée, une rencontre avec cette part de merveilleux pourtant bien ancré dans le vécu. Ici, on croise un tigre (tiens ?), là un cher disparu – imaginaire ou réel, célèbre ou intime – ici encore un chat roux à la queue tordue, un vieil homme sur une île bretonne fouettée par le vent.
Autant de signes qui jalonnent le roman, tels les cailloux du Petit Poucet.
Alma est épuisée. Inlassablement, elle traîne des valises trop lourdes lui donnant une démarche chancelante (et le Lexomil au fond du sac à main?).
Alma a peur. De tout, tout le temps, partout. Les autres, le bus, l’avion, le froid, le chaud, le vide, le trop-plein.
Depuis dix mois, sa peur a pris toute la place. Dix mois que sa fille, Billie, se bat contre une mystérieuse maladie. Un chardon qui lui pousse dans la poitrine et l’empêche de respirer, affirme Alma. « On n’est pas dans un roman de Boris Vian », tonne Gilles, le père, le mari, laissé sur le chemin. Alma l’aime toujours pourtant. Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit du lien fusionnel avec sa fille. Et toutes ces questions qui surgissent : se peut-il qu’une mère aimante, adorante, soit nocive pour son enfant ? l’entrave dans sa construction malgré elle, malgré son amour inconditionnel ? Et si oui, comment arrêter la machine ? En déposant – enfin – ces foutues valises, en les mettant sur le trottoir, aux encombrants ? En se concentrant, peut-être – sûrement – sur le Beau ?
Ne pas trop en dire. Vous laisser le plaisir du voyage, de la découverte.
Merveilleuse première fois pour les 68premieresfois en ce qui me concerne.
Cette lecture m’a procuré un sentiment de plénitude qui m’a accompagnée toute la journée. – Laetitia Badinand
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Beaucoup d’émotions dans ce court roman à l’intrigue très courte qui n’ôte rien de ses qualités narratives et stylistiques. Billie, 14 ans et demi, est atteinte d’une mystérieuse maladie que les médecins peinent à identifier. Ses parents sont évidemment désespérés et, de périodes de rémission en rechutes, s’attendent au pire et acceptent l’opération qui devrait libérer Billie de sa tumeur pulmonaire. Pour Alma, la mère, c’est un chardon qui pousse dans le corps de sa fille. L’allusion au nénuphar de L’Ecume des jours est claire et assumée, mais Alma, contrairement à Colin, ne se résout pas à perdre sa Billie.
L’histoire pourrait être pathétique, d’autant plus qu’elle n’est racontée que par les yeux d’Alma. Elle ne l’est pas du tout. Le récit est parsemé de pépites poétiques, de métaphores qui n’excluent pas l’humour aussi : « Ensuite, l’hôpital émerge comme une molaire dans une bouche édentée, plantée dans la gencive saumon du parking. L’image la fait sourire, elle se dit chaque jour qu’elle a une dent contre l’hôpital. ». Constance Joly manie la langue avec aisance, justesse, mélange ce qu’il faut les registres de langue, réinvente l’usage du double point : « La glycine est en boutons : des insectes poilus comme des bourdons, dont on devine déjà le mauve ». C’est un chemin initiatique parsemé d’embûches que suit Alma, où « Le matin est un tigre qui rampe doucement, en attendant de vous sauter à la gorge ». Alors que Billie est à l’hôpital, attendant son opération, elle part en Bretagne, vers une Alma plus ancienne et un chat roux à la queue tronquée, et c’est une expérience salvatrice. Au bout, la lumière. Un très beau premier roman. – Emmanuelle Bastien
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Je souris en ouvrant l’enveloppe kraft : Le matin est un tigre, de Constance Joly. Tout ce que je vois de ce premier roman me prédispose à l’aimer : un titre intrigant, une auteure dont le nom de famille sonne comme une promesse, un bandeau si joli (forcément), une référence à l’Ecume des jours en quatrième de couverture et une héroïne prénommée comme ma fille… Je n’ai pas voulu lire les chroniques déjà rédigées, les avis déjà postés. Je veux garder la surprise… J’ouvre avec précaution (ce livre va voyager, comme tous ceux de la sélection) et je lis la première page. J’adore les premières pages, elles sont comme la première gorgée de bière de Delerm. Bim ! J’adore cette première page. Et j’adore ce premier roman, jusqu’à la dernière page : Constance Joly, ne vous arrêtez pas d’écrire !
L’histoire est triste : Alma est rongée par la maladie mystérieuse de sa fille, Billie, qui semble la condamner à une mort certaine. Dès les premières pages, c’est la fragilité d’Alma, ses doutes et ses peurs qu’elle trimballe dans des valises, qui nous entraînent. Alma la femme-enfant, Alma la mère. Car c’est bien d’elle dont il s’agit dans ces pages, de ses interrogations, de sa souffrance puis de sa lente métamorphose et de sa délivrance au fil d’un voyage inattendu…
Ce qui frappe dans ce récit singulier, c’est l’écriture de Constance Joly. Je suis toujours stupéfaite par la capacité de certains auteurs à rendre poétiques, presque tolérables, la laideur, la tristesse, l’horreur même parfois. Alma pense que « Les mots sont de pauvres choses (…). Ils sont pratiques et incomplets, incapables d’exprimer la complexité de nos vies, la subtilité de ses nuances. Il faudrait les décrasser, les lessiver, les essorer pour leur faire dégorger un sens nouveau ». L’auteure nous démontre le contraire : sous sa plume, les mots s’enchaînent pour faire naître des tableaux incroyables où les couleurs et les odeurs éveillent tous nos sens. Même les sandwichs ont une saveur de thym et de fleur de capucine ! Un chat roux, un chardon, une criminelle irlandaise sortie d’un roman, une encyclopédie de Botanique, de l’hydromel, des poèmes, des matins pluvieux qui donnent « envie de froisser la feuille du paysage dans ses mains et de l’envoyer à la corbeille » : nous voici projetés au beau milieu d’un conte, à suivre Alma – sorte d’Alice au pays des merveilles moderne – entre réalité et échappées oniriques, vers la guérison.
Ce premier roman est un conte moderne et, en même temps, tout à fait intemporel, interrogeant le rapport mère-fille, la transmission, le poids de la responsabilité maternelle et la capacité à s’épanouir, indépendamment de ses enfants.
« La beauté ne sert à rien, et pourtant, elle console de quelque chose qu’on ne sait pas nommer » écrit Constance Joly. Sans hésiter, la beauté de ce premier roman est indispensable, elle console de cette culpabilité féminine encore trop répandue…
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Ce roman est un écrin de beauté, une fleur qui éclot, une bulle de tendresse, une parenthèse de poésie. Dès les premières pages, l’univers y est poétique, tendre et émouvant. Les livres, la botanique, la nature. Il sent bon la rosée du matin.
Mais il y a aussi la mélancolie, la dépression d’Alma qu’elle affronte à grands renforts de métaphores. « Le matin est un tigre qui rampe doucement, en attendant de vous sauter à la gorge ». Elle tient miraculeusement pour ne pas se laisser envahir par ses peurs et ses angoisses. La maladie de sa fille va la contraindre à se confronter à la vie et à la nature, à aller chercher au fond d’elle-même cette force pour assumer sa place dans le monde et se libérer du poids de ses peurs. Avec un rythme haletant, on plonge dans le combat que délivre Alma contre elle-même pour sauver sa fille, sa famille et son couple.
Un magnifique premier roman, plein de légèreté et de poésie, sur la relation fusionnelle mais destructrice entre une mère et sa fille et sur le poids de la transmission. – Justine Clerc
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L’auteur Constance Joly s’est proposé un très difficile exercice : nous conter une histoire sensible et émouvante selon un canevas utilisé par Boris Vian dans l’Ecume des Jours. C’était un pari risqué, presque réussi, parfois brillamment traité, mais aussi presque impossible à relever car aucun lecteur ne peut s’empêcher de faire de parallèle entre ce roman mythique et celui de Constance Joly, et ce parallèle est obligatoirement pénalisant pour la nouvelle œuvre. Pourtant, je suis rentrée immédiatement en empathie avec l’héroïne, ses occupations professionnelles, ses soucis maternels, j’ai aimé cette plume d’une poésie légère et sensible, j’ai partagé avec émotion la parenthèse d’Alma chez Georges, où elle doit expertiser des livres rares au milieu de la bibliothèque de son épouse décédée Alma, et j’ai aimé l’idée de cette transmission possible entre deux homonymes. Par contre, je n’ai jamais adhéré entièrement à cette intrigue. Et j’en suis désolée car la plume est de qualité. – Martine Magnin
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Mais quel est ce mal étrange qui ronge la fille d’Alma. Billie dépérit de jour en jour, les médecins parlent de tumeur, Alma n’en croit rien. Pour elle, c’est un chardon qui bourgeonne et grandit dans le corps de sa fille. Les médecins veulent opérer Billie, mais malgré leurs avis et celui de son mari, Alma va s’y opposer de toutes ses forces. Comment va-t-elle s’y prendre pour sauver sa fille?
C’est avec une plume délicate et empreinte de poésie que Constance Joly va nous raconter cet amour entre une mère et sa fille, la tension et l’angoisse de perdre ce que l’on a de plus cher au monde. Les liens fusionnels entre une mère et sa fille peuvent-ils sauver cette dernière?
Croire à la vie, croire en ses espérances à l’encontre de tout et de tous. Voici une belle leçon de courage et de foi en soi. C’est un récit émouvant avec une écriture magnifique qui en fait un des grands romans de ce début d’année.
Un livre à dévorer, et une auteure à suivre, dans l’attente de son nouveau roman. – Philippe Hatry
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Attention, ce livre est une pépite.
Lu d’une traite ou presque, je suis tombée sous le charme d’Alma, la mère, qui trimballe ses valises « je ne fais plus l’amour » et « ma fille est hospitalisée » au sens propre. Alma, c’est cette femme qui n’ose prendre sa place, qui se fait toute petite, qui se sent vide mais qui aime son mari et sa fille intensément, qui se sent liée à sa fille de façon entière comme si elles étaient les deux moitiés d’un même fruit. Alma est bouquiniste et elle rêve sa vie qu’elle trouve sans intérêt. Alma aime la puissance et la beauté des mots.
Il y a de la folie dans ce livre, de la poésie aussi. Par certains côtés, il m’a fait penser à « En attendant Bojangles« . On ne sait pas bien si Alma a vraiment toute sa tête ou si au contraire elle a tout compris.
Ce livre est court mais percutant, il m’a happée et je ne peux que vous le conseiller si vous aimez lâcher prise et vous laisser entraîner dans un univers actuel mais onirique.
« A quoi peut bien servir la beauté ? se demande-t-elle. A rien. Et cela lui met les larmes aux yeux. […] La beauté ne sert à rien, et pourtant, elle console de quelque chose qu’on ne sait nommer. Alma pense alors à ces architectes du XIXe qui se sont cassé le cul à décorer leurs édifices de guirlandes de stuc, de fleurs de pierre, de balcons de fer forgé aux arabesques complexes. Pourquoi ? Pour rien. Pour faire beau. Pour donner de la joie au regard. Elle déplore qu’aujourd’hui rien ne soit plus fait d’inutile. » – Marie-Anne Pittala
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C’est une histoire de chardon qui dans une autre vie aurait pu être un nénuphar, d’un roman dont les enjeux aussi bien dans l’écriture que dans la finalité sont flous.
Le titre invite à dévorer le livre pour mieux le comprendre mais au fil de la lecture, les embrouillaminis de cette mère à la dérive ne cessent de nous ballotter d’une page à l’autre.
»‘Je t’aime au point que tous les tigres des jungles du monde entier se mettent à fondre pour devenir du beurre’‘. Bon, pourquoi pas le côté décalé.
C’est pour moi un récit d’amour filial fou étouffant, je n’arrive pas à adhérer à l’histoire… il y a des liens de communication entre le monde et une enfant qui souffre tandis que la médecine n’arrive pas à la soigner. Le style est effectivement alerte, souvent drôle, bien troussé mais je n’ai pas réussi à rentrer dans cette histoire et à y croire ou avoir envie de savoir ce qui se cachait derrière…. – Delphine Palissot
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Ce livre ne ressemble à rien de ce que j’ai déjà pu lire. Dès les premières phrases on détecte le style singulier de Constance Joly. Les phrases sont courtes. Tout n’est que métaphore, image et poésie.
J’avoue m’être demandée si ça allait me plaire. Et la réponse et sans appel, oui j’ai aimé. Beaucoup. Je me suis laissée porter par la douce plume de l’auteur. C’est beau, touchant. Il est ici question de relation mère – fille. Du poids des angoisses que Constance Joly transforme en valises.
Je ne peux que vous conseiller ce premier roman de Constance Joly. – Orlane Dréau
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Ce premier roman, vu son format court, à peine 154 pages, est plus un conte qu’un véritable roman ; en effet, j’ai toujours un peu de mal à qualifier de « roman » un texte de moins de 200 pages…
Du conte, il y a l’ambiance onirique et l’étrangeté ; il y a aussi une leçon de vie à retenir…
Le tigre du titre évoque un grand félin d’Asie, cruel et sanguinaire. Ici, chaque journée de l’héroïne devient un combat contre un tel adversaire figuré, puissant et redoutable ; elle combat la maladie de sa fille et les casseroles qu’elle-même traine après elle depuis toujours.
Les chardons sont des plantes sauvages, coriaces et piquantes ; elles symbolisent la douleur, la difficulté mais leurs épines peuvent se révéler protectrices.
Le matin annonce un jour nouveau, un futur à la fois prévisible et inconnu. Parfois, quand cela ne va pas, chaque nouvelle journée est une bataille à mener.
Constance Joly revisite L’Écume des jours de Boris Vian avec la maladie représentée par l’allégorie d’une plante se développant à l’intérieur du corps du malade. C’est un livre culte… J’étais donc à la fois bien disposée en commençant cette lecture et un peu exigeante aussi car il fallait éviter l’écueil de la pâle copie.
L’auteure a le talent de le faire avec élégance, dans une écriture à la fois poétique et très actuelle ; elle nous parle de relations familiales, de rapports de couple et, surtout, met en lumière une proximité mère-fille qui interroge et émeut en même temps.
J’avoue avoir un faible pour les récits qui mêlent réalités quotidiennes et visions métaphoriques ; j’ai adoré ce texte où « la vie réelle et la vie rêvée se mélangent » et où les fardeaux moraux deviennent de vraies sacs, valises ou malles à porter, où le fantôme d’une célèbre voleuse apparaît pour aider l’héroïne à y voir clair et où les chats ont le don d’ubiquité. J’aime aussi lire à travers les symboles et la cécité est un état qui me parle beaucoup, me rappelant entre autres les aèdes, ces récitants aveugles de l’Antiquité.
J’apprécie de retrouver un bel univers référentiel dans ce que je lis. Quel plaisir, par exemple, de retrouver Emily Dickinson que j’associe à une figure singulière de recluse marquée par le deuil, à la poésie concise et concrète !
Vous l’aurez compris, Constance Joly m’a captivée avec ce petit bijou, cette parenthèse littéraire, ce temps de lecture suspendu. – Aline Raynaud
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Porté par une écriture poétique et sensible, j’ai suivi le cheminement d’Alma ainsi que ses questionnements sur elle-même, son rôle de mère, ce qu’elle aurait transmis à sa fille. N’ayant pas lu L’écume des jours de Boris Vian, influence de ce roman, je n’ai pas été amené à faire de comparaison et c’est une bonne chose. Alma est un personnage que j’ai trouvé touchant. J’ai aimé sa rencontre en particulier avec Georges, vieil homme sympathique, attendrissant, collectionneur de livres qui convie Alma chez lui pour une expertise en Bretagne. En effet, cette dernière est bouquiniste.
Le livre est également traversé par une figure féminine du XXe siècle ayant réellement existé, Chicago May, qui a fait l’objet d’un récit de la part de l’autrice irlandaise Nuala O’Faolain, livre publié par Sabine Wespieser éditeur sous le titre L’Histoire de Chicago May, livre que j’ai lu d’ailleurs l’année dernière lors de sa réédition en poche. Cette présence de Chicago May dans le roman apporte un clin d’œil intéressant puisque Alma idéalise la force de cette dernière, se compare avec elle.
J’ai trouvé ce premier roman bien écrit malgré la poésie parfois légèrement surfaite et cette relation mère-fille émouvante. La psychologie de Alma est par ailleurs bien travaillée par l’auteure. J’ai donc passé un agréable moment de lecture sans avoir néanmoins de coup de cœur. – Aurélien Vicentini
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Alma s’éteint et sa fille, Billie, se consume.
Alma ne vit pas, elle se cache. Elle se retire du monde, se réfugie dans ses rêveries, converse avec les absents, pour ne pas faire face à ceux qui sont là : « Alma a le don d’appeler les morts à elle, pour la réconforter des vivants, quand ceux-ci la désespèrent ». Alma est en fuite d’elle-même. Mais c’est sa fille qui s’efface. Inexorablement. Victime d’un mal qui la ronge. Comment résister lorsqu’il n’y a pas de combat à mener ? Juste une attente. Tenir et attendre. Et chercher la beauté coûte que coûte pour ne pas se laisser dévorer. La beauté contre la laideur.
Constance Joly use d’une obscure métaphore de chardon pour décrire le mal de vivre. Cette boule qui serre la gorge, comprime les poumons et chasse la vie. Parfois, les mots sont vains, incapables de dire l’amour en absence de désir, dire l’angoisse, l’effroi devant son enfant qui souffre.
Depuis des années, peut-être depuis toujours, Alma ne sait pas vivre. Elle fonctionne. Elle ne vit pas. Pas avec les autres. Uniquement avec ses fantômes.
Mais à travers tout cela, c’est de transmission dont il est question… Pas de ce beau passage de témoin entre parents et enfant. La musique qu’on partage, les livres qu’on conseille. Non. Constance Joly nous parle de la transmission toxique. Les pierres qui alourdissent nos poches et que nous déposons inconsciemment dans celles de nos enfants. Et si finalement, le plus beau cadeau ce n’était pas de donner la vie ? Et si, le don le plus précieux était de transmettre le goût de la vie ? – Céline Bret
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« Admirer la vie et s’en sentir dépossédée. Est-ce cela la mélancolie ? » Alma, depuis ses douze ans, se sent à côté de sa propre vie. Elle a pourtant tout fait pour se plier à la norme : elle a un métier, un mari et une petite fille. Mais pour survivre dans une société dans laquelle elle se sent étrangère, elle s’est inventé un monde imaginaire, fantasmagorique, peuplé par les contes et les vers d’auteurs divers tels Boris Vian ou Emily Dickinson ; normal pour une bouquiniste.
Ainsi quand Billie, sa petite fille, se met soudainement à souffrir d’un mal que les médecins n’arrivent pas à diagnostiquer, Alma n’a aucun doute : il s’agit d’une fleur qui pousse au cœur de l’organisme de son enfant, à la manière du nénuphar qui emprisonna les poumons de Chloé dans « L’écume des jours ». Pour Billie, ce sera un chardon. Pourquoi le chardon ? Parce que les botanistes du XVIème siècle le préconisent pour soigner la mélancolie, justement.
Il faudra à Alma un petit voyage en Bretagne pour rencontrer deux personnages singuliers, Georges et le fantôme de Chicago May qui lui permettront de tenter d’analyser le propre mal qui la ronge depuis si longtemps et qui peut être intrinsèquement lié à celui de Billie : « Elle s’était efforcé de disparaître, ce n’était pas si difficile: il suffisait de parler bas et de rêver fort. Et puis, à force de se noyer dans le paysage, elle avait fondu sans bruit, un pétillement dans l’eau, comme un cachet d’aspirine ».
Un roman qui se lit vite et bien malgré son univers onirique parfois désarmant. – Valérie Lacaille
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Une fille est malade, sa mère croit savoir pourquoi, les médecins en doutent.
Que dire de ce livre ?
Que les personnages ne m’ont pas intéressée : la mère, bouquiniste, est mal dans sa peau, phobique, accros aux tranquillisants, elle a peur de transmettre son mal-être à sa fille avec qui les relations sont fusionnelles et toxiques ; le père, comédien, compte pour du beurre ou presque, ses relations avec la mère ne sont pas au beau fixe.
Qu’ils ne m’ont pas emmenée dans leur univers, onirique au mieux, où les références appuyées ne manquent pas, les plus lisibles étant la maladie qui grignote les poumons de la jeune fille (hommage à Boris Vian) ou le prénom de la mère : Alma (maternel, nourricier, en latin).
Je dois être trop cartésienne pour être touchée par l’écriture à la limite de la préciosité, même si j’ai trouvé dans ces pages de la poésie et de la sensibilité, ainsi qu’une vraie interrogation sur ce que signifie transmettre sans nocivité. – Marianne Le Roux briet
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Mais quelle est cette maladie qui détruit progressivement la délicieuse Billie, grande fille de quatorze ans qui vit une relation très fusionnelle avec sa maman ? On parle de tumeur grosse comme une poire, on parle d’un étrange syndrome de Leverrier- Gausseins qui frappe les ados. Pourtant, Billie qui est la joie de vivre même (d’ailleurs pour prononcer son prénom on est obligé de faire un grand sourire!), tousse et maigrit très vite. On parle d’opération, avant qu’il ne soit trop tard. Son papa, comédien, est d’accord, Billie, aussi par force, mais Alma sa maman, (Alma désigne la déesse-mère en latin, tout un programme!), Alma donc est sûre d’une chose : un chardon pousse dans la poitrine de Billie, il va y croître, y ouvrir ses fleurs et puis il partira comme il est venu.
Un chardon dans les poumons, dites-vous ? Euh… Elle ne serait pas un peu sous influence vianesque notre libraire-bouquiniste spécialiste des livres anciens ?
Eh bien, il faut lire le livre jusqu’à son terme, après qu’Alma a fait un voyage à Perros Guirec (plus connue pour ses rochers roses que pour son vieux collectionneur aveugle qui la fait venir) pour que la vérité lui devienne aveuglante.
Encore une histoire où il faut que l’héroïne (ou le héros) se retrouve confronté à des conditions extrêmes de solitude et de difficulté pour qu’il fasse le chemin vers lui-même, pour qu’il se découvre, renonce à tout ce qui l’entrave et redémarre, plus pur, plus juste, plus vrai, plus nécessaire que jamais à lui-même et aux autres. Un roman d’initiation et de chemin personnel, encore, donc, mais avec une telle originalité dans les images et le ton qu’on succombe à son charme.
Un joli premier roman qui ne manque ni de délicatesse ni de justesse. – Evelyne Grandigneaux
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Constance Joly a une plume poétique, enchanteresse, une plume qui envoûte! Constance nous raconte le lien maternel, ce lien qui amène toute mère à tout faire pour le bien de son enfant, ce lien auquel tout enfant s’accroche à tout âge, ce lien si beau entre une mère et son enfant. Pour Alma et Billie, ce lien est très puissant, trop peut-être… L’auteure mène son personnage d’Alma loin afin que celle-ci se rende compte de ce qu’elle a transmis à sa fille, du poids qu’elle lui a légué sans s’en rendre compte, de la force des non-dits… C’est troublant et si vrai au final: comment une fille ressent les sentiments, émotions de sa mère. Constance livre tout cela d’une façon si naturelle, avec des mots, des descriptions si justes que je suis tombée en admiration devant sa façon de nous conter une histoire, son premier roman. – Sybil Lecoq
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L’histoire en elle même est émouvante, on se met à la place de cette mère dans le désarroi, avec un couple qui va mal et l’angoisse permanente pour la jeune fille. Mais surtout dès les premières lignes on est séduit par cette écriture si douce, si délicatement imagée, des phrases de dentelle. La moindre description , la moindre évocation des couleurs , des odeurs prend une allure de poème, alors que surgissent dans la prose raffinée des expressions qui nous font atterrir dans une temporalité bien actuelle. Ça donne des paragraphes étonnants comme celui-ci :
« Alma descend la rue sans vraiment la voir. Elle est encore éprise dans le filet du sommeil, il y a des images effilochées d’un rêve qui frétillent au fond, qu’elle voudrait attraper. Elle croise son voisin au pantalon bouffant, l’étincelle brève de son regard et de son sourire qui veut dire « va chier ».
Enfin, on aime la force du lien qui unit Alma et sa fille, lien qu’elle n’hésite pas à qualifier de fusionnel. Comment s’en sortiront-elles? C’est là le coeur du récit, qui peut aussi couper le souffle du lecteur.
Un premier roman très réussi. – Chantal Yvenou
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Pour un coup d’essai, c’est un véritable coup de maître, un roman de ceux dont on garde longtemps la trace, le souvenir, les mots gravés en soi.
C’est de l’écriture dont je souhaite tout de suite parler. Une écriture imagée, maîtrisée, poétique qui, loin de dissimuler le fond sous une couche de maquillage grossier, le sublime à merveille. Elle laisse joliment entrevoir la beauté des idées, la sensibilité du propos, les particularités des personnages. Elle entoure de soie douce les moments les plus graves, sèche les larmes qui affleurent, éclaire le regard porté sur la souffrance.
L’auteure nous raconte Alma et Billie, Billie et Alma, avec Jean en guest star. Elle nous raconte les liens indéfectibles entre mère et fille, liens forts s’il en est mais peut-être destructeurs. Alma ne croit pas à la tumeur que les médecins veulent opérer, non, elle y voit une histoire de chardon, un chardon qui pousserait à l’intérieur du corps de sa fille. Tout est image décidément dans cet ouvrage telles les valises de plus en plus lourdes portées par Alma, valises pleines de ses propres problèmes.
Constance Joly réalise un magnifique ouvrage sur la transmission générationnelle, ces petites ou grandes choses, ces secrets, ces malheurs des parents dont les enfants s’emparent sans même le savoir. Elle nous fait découvrir un monde aux allures de rêve, où chaque objet est un signe. Un premier roman vraiment très réussi.
J’ajouterai un bon point pour le bandeau de couverture à la fois superbe et mystérieux, comme le titre du livre. – Geneviève Munier
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Le premier roman de Constance Joly touche par sa grâce, sa poésie et son style unique.
Le roman décrit le lien indéfectible entre une mère, Alma, et son enfant, Billie, cette dernière étant atteinte d’un mal mystérieux. Pour les médecins, c’est une tumeur qui grossit dans ses poumons. Mais pour Alma, c’est un chardon qui tue petit à petit sa fille. La référence au nénuphar de Boris Vian n’échappera à personne.
Alma qui porte ses valises lourdes d’une vie dans laquelle elle ne se retrouve plus, emplies de ce mal qui la ronge elle et sa fille.
Car oui Alma est convaincue d’être responsable de cette plante qui habite les alvéoles pulmonaires de Billie, convaincue de lui avoir transmis cet héritage épineux comme elle lui a donné la vie.
L’intuition maternelle est au cœur de cette fable surréaliste, c’est le combat d’une mère où les jours sont des « soleils au fond du seau », où « le soir est un drap de coton qu’on agite au vent » et où « le matin est un tigre » quand la vie de son enfant défie n’importe quelle science. – Marine Bongiovani
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« Quand donc vont-ils sortir de ce marécage, tous les trois ? L’histoire a-t-elle démarré, où en est-on exactement ? Arrivée à ce stade de ses pensées, Alma frissonne. Non, il vaut mieux qu’il n’arrive rien. Que l’histoire ne démarre pas réellement. Car alors, il y aurait une fin, et Alma ne veut pas la connaître. »
A l’image de ces lignes de Constance Joly , l’histoire, pour moi, ne démarre pas, ou presque.
Je me sens pourtant portée, emportée par l’écriture, mais sans savoir pourquoi … Tout doucement d’abord, en suivant les pas d’Alma. Des pas hésitants, emprunts de doutes et de peur … Moi aussi, j’avance à tâtons … Puis, tout s’accélère. « Le matin est un tigre qui rampe doucement, en attendant de vous sauter à la gorge » … Ça y est, je plonge, je ne peux plus m’arrêter. Je ne peux plus quitter ce premier roman tant l’histoire me bouleverse. C’est pour moi comme une madeleine de Proust. Oui, assurément …
L’écume des jours de Boris Vian … Ah … L’écume des jours … Mon premier kiff littéraire … Je me souviens encore du « pianocktail » et du « biglemoi ». J’ai encore gravé dans ma mémoire ces mots : « Il tendit sa carte d’abonnement qui fit un clin d’œil au contrôleur à l’aide de deux trous ronds déjà perforés »… Je me souviens aussi de Chloé, et de ce nénuphar qui lui dévore le poumon… Constance Joly ne démérite pas, tant son écriture est poétique et sensible, métaphorique et onirique. Sa Chloé, Billie, est atteinte de la maladie du chardon, une maladie qui grandit en elle, qui l’étouffe, littéralement … Cette maladie, seule Alma y croit.
Il faudra un voyage sur l’île aux moines pour qu’Alma comprenne, pour qu’Alma prenne conscience de cette valise d’amour qui l’empêche d’être …
… Une histoire d’amour entre une mère et sa fille …
… Une histoire de résilience …
… Pour enfin VIVRE… – Virginie BRAUD-KACZOROWSKI
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On porte tous des valises dans la vie, plus ou moins lourdes, métaphores du poids de nos vies qui nous empêchent de nous sentir libres et épanouis.
Alma porte deux valises- à gauche « Je ne fais plus l’amour avec Jean « , à droite « ma fille malade est hospitalisée » . Ce dernier incident dans sa vie la bouscule particulièrement, cette valise-là ressemble plus à une grosse malle dont le poids devient insupportable.
Car sa fille Billie souffre d’un mal inconnu et sa douleur est très inquiétante. Face à l’indécision des médecins Alma qui vit une relation fusionnelle avec sa fille sent que ce mal est particulier- du doute, elle glisse rapidement vers la quasi certitude qu’un chardon pousse dans le thorax de Billie- un mal qui la ronge et l’affaiblit de jour en jour.
Évidemment le mal de Billie n’est pas sans rappeler le nénuphar qui se déploie dans le corps de Chloé dans L’écume des jours de Boris Vian – référence complètement assumée dans le récit. Car Alma en plus d’être une mère protectrice, est bouquiniste sur les bords de Seine, spécialiste des surréalistes bien sûr. C’est son côté un peu suranné, une vie rêvée car Alma est《une sale rêveuse》 , elle trouve refuge dans la fiction ,son histoire à elle lui paraît morne et ennuyeuse :《Elle a besoin de poésie- d’un espace où les mots sortent des clôtures du sens 》. Elle est une mélancolique qui aime la vie sans jamais vraiment savoir l’apprécier.
Alors cette maladie mystérieuse perturbe son mal être, convaincue qu’elle est à l’origine de ce mal et qu’elle en est la solution. C’est donc l’histoire d’une transmission compliquée d’une mère à sa fille.
Il y a des airs de conte merveilleux dans cette histoire, mêlé de références littéraires imposant un univers surréaliste et multipliant dans l’écriture les métaphores poétiques. 《Le matin est un tigre》car la vie a parfois des allures sauvages que seule la poésie peut sauver. L’imagination est sans limites.
L’histoire est belle autant que l’écriture de Constance Joly qui regarde le monde autrement et dont l’esthétique littéraire est à découvrir. – Sandra Moncelet
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Ce roman est un énorme coup de cœur pour différentes raisons. Tout d’abord j’ai été touchée par cette histoire de relation mère-fille, de transmission inconsciente, de combat d’une mère qui ouvre de multiples pistes de réflexion par le miroir qu’il nous tend. La force du lien qui parfois peut étouffer… la transmission du mal-être de la mère à la fille… le difficile équilibre à trouver dans une relation…
J’ai adoré la langue éminemment poétique et joliment imagée de l’auteure, truffée de magnifiques métaphores. La première phrase du roman « C’est un jour blanc, éreinté, qui n’a envie de rien » donne d’emblée la tonalité de la plume de l’auteure. C’est une écriture qui emporte si on accepte de lâcher prise, de se laisser porter par la magie des mots.
Ce roman m’a imprégnée, il me reste totalement à l’esprit plusieurs semaines après avoir tourné à regret la dernière page, il m’est passé entre les mains par un circuit de lecture mais il me faut maintenant le posséder car je sais que je le relirai très vite.
Constance Joly travaille dans l’édition depuis une vingtaine d’années, elle a bien fait de passer de l’autre côté de la barrière. Une grande auteure est née ! – Joëlle Guinard
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