« Elle ne savait plus quel était son rôle. Elle en voulait un, pour ne plus rester à côté de la vie. Mais lequel ? »

Dans son second roman, Jérôme Chantreau a choisi de nous replonger dans la France des années 80 à travers la vie d’une mère divorcée et ses deux enfants. Superbe fresque, entre émancipation et renoncements.
Jérôme Chantreau a fait une entrée remarquée en littérature avec Avant que naisse la forêt, un roman que l’on pourrait qualifier d’écologique, même si déjà la relation entre un fils et sa mère défunte structurait le récit.
Son nouvel opus nous raconte aussi la relation d’une mère – bien vivante cette fois – avec ses enfants. Tout commence pour un épisode décisif dans la vie des protagonistes, celui où Françoise décide de rompre avec son mari. Une scène qui donne d’emblée le ton de ce roman qui, à travers les biographies des protagonistes, va relater les mutations de la société française et notamment l’émancipation des femmes:
« Elle avait commandé une sole. Elle ne pourrait jamais plus manger de sole. Elle se demandait pourquoi il mentait, alors qu’il était là, de toute évidence, pour annoncer la vérité. Elle avait mal pour lui. Elle lui aurait bien mis les mots dans la bouche. Mais il arrive un moment où les femmes comprennent qu’il faut cesser d’infantiliser les hommes. Ce moment-là, c’est souvent le jour de la rupture. Françoise aurait pu, malgré tout, l’aider encore une fois, tant était puissant en elle le sentiment maternel. Prendre sur soi la douleur des autres. L’encaisser, pour qu’ils restent heureux et légers. Être encore une fois la femme, la mère, inépuisable et inconditionnelle. Elle sentit monter en elle une force inconnue. Et cette impression nouvelle provoqua une poussée d’endorphine qui répandit dans tout son corps quelque chose qui ressemblait à du bonheur. C’était du bonheur. Elle faillit relancer la conversation, parce qu’à elle, les mots venaient tout seuls: Tu es un homme qui s’en va, un homme qui renverse tout en partant, se cogne contre les meubles, oublie ses affaires, revient penaud, ressort bêtement. Un homme, comme tous les hommes, qui rate sa sortie. »
Aux côtés de ses enfants Nathalie et de Laurent, Françoise va désormais devoir tenir le coup, trouver un emploi. En écho aux affiches de François Mitterrand qui vient de remporter l’élection présidentielle, elle entend profiter de sa liberté retrouvée pour changer la vie. Très vite, les amants vont défiler sous le regard quasi indifférent des ados qui ont chacun leur territoire dans l’appartement du 26, rue de Naples et entendent bien profiter aussi de ce vent nouveau.
Et tandis que Françoise trouve un emploi de graphiste, Laurent se lance dans la musique. Avec quelques amis, ils investissent la cave pour en faire une salle de répétitions. Quant à Nathalie, elle joue les anges gardiens en ramenant Édurne à la maison. Spontanément, Françoise décide de loger la jeune punkette dans la chambre de bonne.
« Laurent avait assisté à cette scène sans pouvoir prononcer une parole. Il comprenait seulement qu’une fille, qui ressemblait à la chanteuse sur la pochette de Kids in America, débarquait, la veille de Noël, et que tout le monde trouvait cela normal. Il aurait pu lui en vouloir de le déloger de la chambre de bonne, mais la curiosité de la voir habiter sous le même toit et d’autres sentiments qu’il ne s’expliquait pas encore faisaient qu’il n’éprouvait aucune jalousie. »
De cette cohabitation, somme toute assez éphémère, la famille conservera un souvenir marquant et voudra s’imprégner de ce caractère rebelle…
Viendra alors le moment pour chacun de vouloir tracer sa route.
Si j’ai beaucoup aimé suivre les différents protagonistes, c’est parce que Jérôme Chantreau pose sur eux un regard d’une acuité exceptionnelle. Au fil des pages, on a l’impression de tellement bien connaître chacun d’eux qu’on s’imagine pouvoir les reconnaître si on les croisait dans la rue. Gageons du reste que vous n’aurez aucune peine à trouver une Françoise dans vos relations, une femme des années Mitterrand qui s’imaginait se débarrasser de ses chaînes pour vivre autrement ou encore un artiste maudit que la drogue n’a pas réussi à élever. Sans oublier la jeune fille qui, à l’inverse de sa mère, entend profiter du système, aussi imparfait soit-il.
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En mai 1981, Françoise, mariée, mère de deux enfants, fille de la bourgeoisie bien pensante de droite, femme d’un bourgeois de droite, se rend seule au bureau de vote. Hésitation devant le présentoir, émotion, presque un appel : elle prend le bulletin rose en tremblant, avec l’impression de faire acte de rébellion. Le soir même, son mari lui annonce son départ. Soulagement : la voici libre. Françoise ira de tâtonnements en tâtonnements pour se trouver et se réaliser. Elle retrouve l’esprit de 68, des amis artistes et recueille des jeunes en perdition. Elle assume les échecs sans se lamenter « elle ne se plaignait pas. Elle n’avait pas appris à le faire. » et change d’orientation. « Parce que choisir, depuis toujours, c’était ce qu’elle faisait de pire. » Je la vois souriante, légère, la tête dans le ciel, vivant enfin d’elle_même et pour elle_même. Mais à côté d’elle, ou plutôt en dehors, son fils Laurent et ses copains de collèges naviguent en eau trouble. C’est l’âge de tous les dangers, des séductions faciles, de l’usage de la drogue. De nombreux chapitres leur sont consacrés. Parfois, je trouvais un manque de cohésion. Cependant, tous sont attachants et émouvants. Je termine sur cette phrase qui me plaît : « Rien n’est irrésistible comme un ancien rêve qui resurgit. » – Mireille Hurard Le Fustec
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Le défi du deuxième roman n’est, parait-il pas aisé. Après l’onirique et singulier
Avant que naisse la forêt, Jérome Chantreau se réinvente déjà dans
Les enfants de ma mère, magnifique roman de cette rentrée.
J’imagine que l’on présentera ce roman comme le portrait d’une époque, de la France de Mitterrand, des premiers divorces assumés. Il est bien plus que cela.
Dire qu’il est le portrait d’une mère est encore trop réducteur.
Il est un portrait de femme, oscillant entre les obligations et la soif de liberté, qui tâtonne comme chacun pour trouver sa place et qui se raccroche aux autres pour trouver un sens.
Il est le portrait de la jeunesse qui doit s’emparer de sa vie là où la société dresse des codes et des interdits.
Il est le roman de l’apprentissage quotidien à devenir acteur de ses choix et à s’inventer sa propre vie.
Jérome Chantreau déploie une écriture vive et classieuse, offrant des fulgurances que l’on note pour garder près de soi, comme un miroir tendu pour mieux se voir et avancer.
« Pourquoi fallait-il toujours que les beaux sentiments s’avilissent au contact de l’existence ? »
Il y a chez Françoise les petites et grandes choses qui font une vie, les émotions débordantes et la nécessité chevillée au cœur d’être, de compter et d’être aimé. Il y a chez Françoise un bout de nous, et de moi qui fait chavirer. Il y a chez Laurent la douleur des questionnements, la nécessité de se construire soi-même, de faire fi du monde autour tout en s’y intégrant.
Il y a dans tous ces personnages les facettes multiples d’une vie, avec une tendresse infinie et dans cet appartement, 26 rue de Naples, que l’on habite le temps de la lecture la sensation d’être chez soi. C’est cela qui fait un grand roman, la sensation de rencontrer quelqu’un, de faire entrer dans sa vie des nouveaux personnages et d’être différent en fermant la dernière page.
« Elle ne savait plus quel était son rôle. Elle en voulait un, pour ne plus rester à côté de la vie. Mais lequel ? »
Si tout écrivain cherche à écrire un livre sur la mère, et ce sont ces livres-là qui me passionnent, alors Jérôme Chantreau a réussi deux fois à relever le défi, en dressant un hymne à la mère imparfaite, proue de chacune de nos vies, en livrant un roman tendre et profond, doux et intense, rock et poétique, comme la vie quoi. – Charlotte Milandri (L’Insatiable)
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J’avais déjà apprécié la lecture de cet auteur. J’avais aimé ces descriptions de la nature et de ce retour dans la maison familiale. Cette fois, avec ce si beau titre, il nous parle d’adolescents dans les années 80-90 à Paris. le portrait d’une mère, qui quitte son mari en mai 1981 et élève alors ses deux enfants seule. Ses deux enfants mais aussi des amis de ceux-ci ou alors des enfants perdus qu’elle héberge nourrit. Avec une belle écriture l’auteur nous parle très bien de ces années, de la vie de ces jeunes gens, de leur recherche. de belles pages aussi dans les rues de Paris, sur les toits de Paris, dans les parcs avec une bande son de l’époque. Un hommage et un beau portrait d’une mère, pas toujours idéale mais qui a laissé beaucoup et parfois trop de liberté à ses enfants. – Catherine Airaud
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10 mai 1981, 20h. François Mitterrand est élu président de la République.
Chacun sait que ce moment historique a changé bien des choses dans la vie politique française. Pourtant, dans le VIIIe arrondissement de Paris, quartier huppé et traditionnellement à droite, c’est à peine un bruissement. Un froissement d’ailes de papillon. Mais au 26 rue de Naples, pour Françoise, c’est le début de quelque chose. Parce qu’elle a voté Mitterrand, contre l’éternelle idéologie de son mari, et qu’en entendant la nouvelle de son élection, elle sent que quelque chose pourrait bouger. Et parce que ce même soir, son mari décide de quitter le domicile conjugal, lui laissant l’appartement bourgeois, et la charge de l’éducation leurs deux enfants, Nathalie et Laurent.
Ne serait-ce pas là pour Françoise le réveil qu’elle attendait, le coup de pouce du destin qui l’aidera à s’émanciper ? Même si elle pressent que son indépendance passera par autre chose que le poster de Marylin accroché dans sa cuisine…
Dans cette plongée dans les années 80, on s’attache à Françoise et à toute une galerie de grands enfants de passage, oiseaux tombés du nid qui trouveront refuge dans la chambre de bonne du 26 rue de Naples. Et, si les rêves d’ados des uns se heurtent aux portes de l’âge adulte, c’est Françoise, à coups de mauvais choix et de naïvetés attendrissantes, qui ramènera toute cette troupe autour d’elle et donnera un sens au projet de sa vie, se construire elle-même.
« Elle avait cru, pendant dix ans, que changer la vie était possible. Elle s’apercevait que c’était la vie qui la changeait, la façonnait comme les falaises par l’érosion, et que les grandes illusions ne servent qu’à nourrir les grands regrets. Elle avait appris des choses, empilé des connaissances dans tous les coins de sa tête ; fatras inutile. Il n’existe pas de vide-greniers pour les idées obsolètes. Les gens qu’elle avait rencontrés s’étaient montrés gentils et décevants, ceux qu’elle avait aidés étaient les meilleurs souvenirs qu’elle conservait, mais alors c’était elle qui les avait déçus. »
Une autre belle vision de la sphère familiale, et de la figure maternelle, traitée avec autant de sensibilité que dans le premier roman de l’auteur, Avant que naisse la forêt. – Amélie Muller
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Mai 1981, les années Mitterrand démarrent sur un slogan « Changer la vie ». Françoise, divorcée et mère de famille vient d’aller voter, divorcée. De famille gaulliste, elle fera ce ces trois mots son viatique, son armature…
Françoise est un peu la bonne âme du quartier, de la rue de Naples. Elle récupère, et recueille les paumés, les drogués. Les amis de ses enfants sont ses enfants.
Françoise, mariée trop jeune, sans vraiment de métier embrasse la liberté, et la vie de bohème. C’est l’insouciance, la bonne franquette, les soirées copains, les week-ends à Deauville…
A force d’aider à droite et à gauche, elle finit par en oublier les siens quitte à les mettre en danger et à compromettre leur avenir.
Françoise semble incapable de s’adapter au temps qui change, à sa nouvelle situation familiale. Françoise est une idéaliste, une bohème sans le sou mais qui fait comme si.
Je découvre ici la plume d’un presque néo romancier ; une écriture agréable, alerte au service d’une histoire dynamique et au final assez originale. Jérôme Chantreau explore une époque assez peu évoquée en littérature, celle du début des années 80. Presque 40 ans plus tard, tout ça parait si lointain, si démodé aussi, et finalement assez étrange.
J’ai lu avec un certain plaisir ce roman même si en vérité il lui a manqué une certaine profondeur tant dans l’exploitation de cette période que dans celle des personnages.
Une lecture plaisante donc, mais pas marquante. – Myriam Veisse (Le blog de mimi pinson)
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10 mai 1981, Françoise vote à gauche pour la première fois puis découvre que son mari la quitte. Avec cette solitude nouvelle, émerge le besoin de réinventer sa vie, à sa façon, de renouer avec ses passions et ses amies, tout ce qu’elle a laissé derrière elle pour jouer les bonnes petites femmes au foyer. Tandis que sa mère cherche à se reconstruire, Laurent lui aussi tâtonne, de jeune homme solitaire, il devient membre d’un groupe psychédélique, il essaie de nombreuses drogues tout en essayant d’avoir son bac.
Paris est leur maison, le 26 rue de Naples leur refuge. Mère et fils sont plongés dans la tempête de la fin du siècle, avec l’avènement du socialisme et le début des ordinateurs. Les femmes au foyer commencent à connaître le divorce, les adolescents commencent à découvrir les drogues tôt, d’abord un peu de haschisch puis, très vite, de l’héroïne. En parallèle, la mère et le fils expérimentent, chacun pense trouver sa voie : elle accueille des jeunes démunis en essayant de peindre des tableaux, il répète dans des caves avec son groupe de potes en leur dissimulant son âme sensible, son goût pour la nature et la lecture. Chacun est centré sur lui-même, chacun au bord de son propre gouffre, sans possibilité de se tourner vers l’autre et de l’aider dans cette passe difficile.
Portrait sensible d’une génération parisienne désenchantée, Les enfants de ma mère est un roman d’apprentissage où Paris est un personnage à part entière, rempli de charmes et de vices. Presque vingt ans s’écoulent des premières pages à la fin, tout se transforme en cette période de temps, chacun finit par arriver au terme de son combat intérieur. Il m’aura manqué une véritable intrigue pour accrocher à ce livre, un fil rouge pour comprendre le message de l’auteur, si tant est qu’il n’y ait qu’un seul message à tirer de cette histoire. C’est indéniablement un beau roman, poétique et philosophique, où les épisodes foisonnent pourtant sans toujours former un tout cohérent. –
Olivia Cheucle (
The unamed bookshelf )
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L’entrée en matière et en lecture fut un peu difficile sur les premiers chapitres mais c’est indispensable de voir les personnages majeurs de ce récit choral s’installer. Mais quel plaisir ensuite de décliner l’ensemble de l’histoire de Françoise, de ses aspirations, rencontres, naïvetés sur le fond des années Mitterrand.
Que peut faire une femme, jusque là protégée par son mari, qui du jour au lendemain va la faire glisser d’un milieu bourgeois, conservateur où elle jouait un rôle de mère de famille au foyer bien propret après avoir arrêter ses études pour se marier à celui de femme quittée avec des enfants en bas âge en recherche d’identité ? C’est le chemin tortueux que Jérome Chantreau va faire suivre à Françoise, son fils Laurent et sa fille Nathalie et à son lecteur.
Une fresque où Françoise va se chercher, s’imaginer en femme libérée, mère idéale mais aussi en bienfaitrice avec des gamins perdus, punkette en rupture, étudiants attardés gauchisant… et se perdre comme manquer de repères personnels sur ses propres inspirations. A trop vouloir se montrer compréhensive, elle va souvent se faire berner par des pseudos humanistes, des idéalistes ou de simples escrocs intellectuels et ne rien voir des désordres affectifs, amicaux de ses propres enfants mais rester certaine qu’elle a choisi la bonne voie….
Désillusions, manques affectifs, erreurs de jeunesse plus ou moins graves, glissement vers les paradis artificiels voire plus violents, perdition, mises en danger ce sont tous les travers que les enfants recueillis comme naturels vont à leur tour connaître et tenter de surmonter, c’est tout l’intérêt de ce récit choral.
Une fresque passionnante en fait dont on ne peut que saluer l’originalité et l’humanisme comme la bienveillance de son auteur pour ses personnages. Bien écrit, lu avec plaisir, que peut-on demander de plus…
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Les enfants de ma mère, ce sont les enfants de Françoise, les siens et également tous les jeunes qu’elle accueille et héberge à la maison pour un temps. Françoise est une jeune femme séparée de son mari au début des années 80 et qui, ayant perdu ses repères et sa vie bourgeoise, décide de se construire un nouvel univers et, comme la France qui vient de se choisir un nouveau président de la république, de « Changer la vie ». Françoise se grise de cette nouvelle liberté, fréquente un nouveau milieu, artistique, sort beaucoup, et crée dans son appartement rue de Naples un tourbillon où tous se côtoient. Happés par ce mouvement et cette nouvelle liberté, ses enfants, Nathalie et Laurent, ramènent également à la maison leurs rencontres et leurs amis, qui, au détour des galères qu’ils traversent, trouvent également un toit chez Françoise. C’est cette impression de tourbillon qui me reste de la lecture de ce livre où les personnages sont attachants, tous différents, ils arrivent, ils s’installent, ils repartent et créent à chaque fois un nouveau mélange qui ne durera qu’un temps. Mais c’est justement ce qui m’a également laissé sur ma faim avec la lecture des enfants de ma mère car, avec ce mouvement perpétuel, ces personnages qui rentrent et qui sortent de l’histoire, il m’a manqué un point d’ancrage ou un fil conducteur et je n’ai pas réellement été embarquée dans l’aventure. – Nathalie Ghinsberg
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Débuter avec ce roman-là. Déjà dans le titre, l’envie… Les Enfants de ma mère. L’histoire débute sur un changement de vie. Sur des valises posées dans l’entrée. Sur une femme ou plutôt une mère : Françoise (tiens, tiens !). Sur ses enfants : Nathalie et Laurent. L’histoire raconte les années passées au 26 rue de Naples à Paris. Tout près de la place Villiers. Un coin tranquille. Au deuxième étage. Dans un appartement confort. Comme un refuge. Comme un personnage de roman. Ou presque. Et l’auteur déroule l’histoire de la mère et de ses enfants dans ce lieu, pendant les deux quinquennats de Mitterrand. Avec une écriture sensible qui fleure bon la nostalgie.
J’ai lu ce roman-là, doucement. Deux semaines de lecture. Sans déplaisir mais sans attachement. Sans jamais vouloir l’abandonner…
Car je suis un peu bouche cousue. Je ne sais pas vraiment qu’en penser ni qu’en dire. Je ne sais pas vraiment si j’ai aimé. Je crois, peut-être, parce que la mère, le personnage de mère, m’a un peu agacée. Pas assez dense. Presque sans consistance. En surface. J’en voulais plus. Ou qu’elle soit autre !
Pourtant, j’ai aimé le fils, Laurent. Très fort. Pourtant, j’ai aimé l’atmosphère dégagée dans ce roman. Ce vent de liberté et ce désenchantement mêlés. Pourtant, j’ai aimé certains passages. Beaux et sincères.
Mais je suis restée comme extérieure à l’histoire. Comme la mère. En surface. – Framboise Lavabo
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10 mai 1981 – Je pense que ceux qui l’ont vécu se souviennent où ils étaient et ce qu’ils faisaient à ce moment là.
Pour Françoise, c’est le jour qu’a choisi son mari pour la quitter, lui laisser l’appartement bourgeois, une pension alimentaire et les deux enfants à élever.
De femme au foyer sous la coupe et les pensées d’un mari, elle se retrouve femme libre. Elle voit le slogan politique « Changer la vie » comme s’appliquant à elle et attend que sa vie change jusqu’à ce qu’elle comprenne que c’est à elle de changer sa vie.
Elle va s’éveiller à la liberté, liberté d’idées lors de ses dîners du samedi soir, liberté sexuelle en prenant des amants et abandonnant souvent ses enfants le week-end. Elle recueille aussi des enfants perdus qu’elle loge dans la chambre de bonne.
Elle vit, pense ses enfants raisonnables, mais en fait ne les voit pas vraiment . Si Nathalie a la tête sur les épaules et mène seule sa vie, ce n’est pas le cas de Laurent. Sa mère qui passe son temps à vouloir aider les autres, ne voit pas son mal être ni ses problèmes de drogue.
Ce roman se lit très facilement, il décrit toute une époque, les années 80, avec les attentes et les désillusions.
Le style est fluide, les personnages bien décrits.
Une lecture agréable qui je pense s’estompera au fil du temps. – Michèle Letellier
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Je ne connaissais pas l’écriture de Jérôme Chantreau, dont Les enfants de ma mère est le deuxième roman.
Il dépeint ici la vie d’une famille dans les années Mitterrand, pour qui la liberté n’a pas de prix. Si « changer de vie » est le slogan qui règne sur la France, il devient aussi celui de Françoise, mère de famille et jeune divorcée.
Tout au long des 480 pages, l’auteur dresse le portrait de cette femme pour qui la liberté est synonyme de lâcher prise, de perte de repères aussi et d’oubli de soi. Laissant ses enfants à l’abandon, elle redevient la jeune fille qu’elle n’a pas pu être… Manquant de confiance en elle, Françoise croit être obligée de se cultiver auprès de personnes qui ne la respectent pas, confondant alors amitié et ignorance…
J’ai aimé l’écriture, fluide et enlevée, mais j’ai trouvé que le roman trainait parfois en longueur. Certains souvenirs ou anecdotes ne me semblaient pas à leur place, et je me suis souvent demander le sens que l’auteur a voulu leur donner.
Un grand merci aux 68, une fois encore, pour la découverte d’un roman riche et particulier… – Audrey Thion (Lire et Vous)
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1981, un père qui quitte le navire et Françoise se retrouve seule avec ses deux enfants Laurent et Nathalie et une liberté dont elle ne sait que faire.
Ce roman choral retrace les quinze années l’adolescence sans cadre et les passages des amis dans la chambre de bonne, la musique et la drogue.
Jérôme Chantreau nous fait suivre les parcours d’une mère et ses enfants ainsi que de leurs amis où chacun tente de tirer son épingle du jeu, de donner un sens à sa vie et de trouver ce pour quoi il est fait.
J’ai retrouvé beaucoup de similitude avec Le bonheur intérieur brut de François Roux qui se situe à la même époque et relate les parcours de 4 amis d’enfance.
Une lecture agréable mas pas de coup de cœur. – Emmanuelle Coutant
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Deux septennats…c’est précisément le temps que dure ce roman, dans la France des années 80 où l’on pince encore le nez sur les couples qui se séparent et « les enfants du divorce », où les femmes se découvrent des aptitudes insoupçonnées à l’indépendance, où quand les filles ne s’appellent pas Isabelle ou Véronique c’est pour mieux s’appeler Nathalie. Un cycle de 14 ans de réflexion, juste le temps pour François Mitterrand de laisser espérer à ses concitoyens qu’il va vraiment « Changer la vie », juste le temps pour Françoise, Nathalie, Laurent, Victor et les autres de tracer leur route aux contours sinueux et à la destination improbable, entre illusions du grand soir et gueule de bois du petit matin, entre enfance inconsciente et adolescence désabusée, entre appel du vide et désir d’absolu.
Pour peu que l’on ait, comme Laurent et Nathalie, vu le jour sur les ruines encore fumantes des barricades soixante-huitardes, pour peu que l’on se soit, comme Françoise, découvert une conscience politique en pleine « génération Mitterrand », pour peu que l’on ait grandi dans une maison aux portes grand ouvertes, à la cafetière toujours pleine et à la cave accueillante, on s’offre, en lisant « Les enfants de ma mère », un véritable shoot d’émotions et de souvenirs.
On hésite à entrer dans ce roman à l’écriture dense, à la parole drue, foisonnante de détails pas nécessairement indispensables comme les histoires que racontent certains enfants inquiets d’oublier quelque chose. On hésite aussi, peut-être, à se laisser happer par ce retour vertigineux vers cette terre de l’intime qu’est l’adolescence, vers cette sensation profondément enfouie et douloureuse d’une marche en équilibre au bord du vide, mais la plume assurée de Jérôme Chantreau sait se faire belle et caressante. Elle sait nous conduire à l’addiction, nous empêcher de décrocher, nous entraîner vers des trips dont la descente ne se fera pas sans mal…ni avant longtemps ! – Magali Bertrand
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Le roman s’articule autour d’un lieu, le 26, rue de Naples, à Paris. Le mari de Françoise grimpe petit à petit les échelons dans son travail et cela commence à porter ses fruits. Lorsque Françoise met le pied dans son nouvel appartement, elle sait que c’est là qu’elle se sentira chez elle, avec leurs deux enfants, Nathalie et Laurent.
Si Nathalie démontre rapidement qu’elle a du caractère, qu’elle sait ce qu’elle veut et n’a pas peur de dire les choses, Laurent est plus sur la réserve. Ce doux rêveur vit dans les livres, la poésie et souhaite faire des études de lettres. Cette singularité l’isole des autres enfants et c’est avec deux autres garçons eux aussi différents des autres qu’il va lier une amitié. Tout d’abord Victor, qui a perdu son père jeune et cherche les repères qu’il peut. Puis Andrea, dont le père s’est fait descendre presque sous les yeux de sa femme. Andrea, le ténébreux, mystérieux mais la tête sur les épaules.
Leur amitié grandira et évoluera au fil des années, se cristallisant autour de la musique puis créant des fissures nées d’envies différentes.
Françoise, quant à elle, devra apprendre à savoir qui elle est après le départ de son mari. Elle se cherchera dans les dîners mondains qu’elle organise autour de crêpazes, dans les informations politiques, en aidant des jeunes qui tombent dans son nid. Ces jeunes et les amis de Laurent formeront avec sa réelle progéniture les enfants de ma mère. Que des enfants privés de la figure paternelle. C’est à travers eux qu’elle va parvenir à se réaliser, malgré un chemin semé d’embûches et de désillusions.
Si j’ai trouvé l’histoire intéressante et très bien écrite, je n’ai pas réussi à passer la frontière qui passe de la lecture agréable à la lecture poignante. Il est resté comme un filtre au fil de ma lecture, qui m’empêchait de m’attacher, de m’émouvoir, de compatir. J’ai aussi trouvé trop cliché l’histoire des trois amis issus d’une famille modeste qui tombent dans la drogue. On a déjà vu ça mille fois, et ce n’était intéressant que pour voir si Laurent aurait le courage d’assumer qu’il ne veut plus de ça.
Un roman d’apprentissage sur les thèmes de l’amitié adolescente et de la femme qui se découvre, deux thèmes qui s’articulent parfaitement autour de cette histoire, mais qui ne m’aura pas ému autant que je l’aurais souhaité. – Vanessa (Le Jardin de Natiora)
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« L’ennui, c’est parfois tout près du bonheur »… Quand vous croisez cette phrase, dans les toutes premières pages, il y a comme une petite voix qui murmure que ça commence bien. Que ce livre a des allures de pull préféré dont on éprouve déjà toute la douceur et la chaleur qu’il va rapidement procurer. Rien à voir avec un feel good pourtant… mais il s’en dégage une ambiance de douce nostalgie qui enveloppe en beauté le portrait d’une femme dont les multiples facettes attendrissent, agacent, surprennent mais n’ennuient jamais.
Françoise est le pur produit des années d’après-guerre, une jeune femme convaincue de trouver dans le mariage et l’entretien de son foyer l’accomplissement vanté par la société de l’époque. Mariée juste avant les événements de 1968, elle se voit signifier sa répudiation par son mari le soir de l’élection de François Mitterrand un soir de mai 1981. Elle qui vient justement de voter pour le nouveau président en cachette de sa famille y voit comme un présage, les débuts d’une nouvelle vie, portée en cela par le contexte politique et les espoirs de « changer la vie » véhiculés par l’arrivée de la gauche au pouvoir. Mais « Pour refaire sa vie, il faut savoir se mentir un peu »…
Jérôme Chantreau nous offre, sur quinze ans, le temps de deux septennats, une chronique qui passe de l’espoir à la désillusion. Le portrait d’une femme qui se laisse porter et tarde à prendre le contrôle, cernée par des siècles d’obéissance à la gent masculine. Un brin bohème, naïve, légère, fantasque voire irresponsable. Ses enfants s’élèvent quasiment seuls, surtout Laurent, son fils qui trouve refuge auprès d’amis tout aussi à la marge que lui car privés de pères pour différentes raisons. Dans l’appartement de la rue de Naples défilent toutes sortes d’artistes et de marginaux, parfois aussi des gamins recueillis un temps par Françoise, comme Edurne dont la personnalité et la singularité marqueront Laurent à jamais. Laurent tangue, ses années d’adolescence et d’apprentissage sont sous influence, pas toujours très saine. Pendant que Françoise cherche toujours sa voie à travers différents engagements politiques ou militants…
J’aime ce roman pour son atmosphère (pourtant tellement différente de celle du précédent !), la petite musique qui s’en dégage, son portrait d’une vie de quartier à une époque (pas si lointaine pourtant) où cela existait encore à Paris, sa photographie d’un moment d’espoir dont même l’air était imprégné. Quelques années pendant lesquelles il a enfin été possible de se libérer de bon nombre de carcans, avec les comportements extrêmes que cela a pu générer mais… la liberté est à ce prix. La sagesse aussi peut-être.
« Elle avait cru pendant dix ans que changer la vie était possible. Elle s’apercevait que c’était la vie qui la changeait, la façonnait comme les falaises par l’érosion, et que les grandes illusions ne servent qu’à nourrir les grands regrets ». – Nicole (Motspourmots)
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